dimanche 16 juin 2013

Des fleurs pour Algernon (Daniel Keyes)

Encore une lecture que j'ai faite surtout dans le cadre des challenges. J'ai d'ailleurs noté que je n'ai pas du tout avancé dans celui sur Stephen King, mais j'ai tenté avec le recueil de nouvelles Juste avant le crépuscule, et non seulement j'ai eu du mal à accrocher, mais en plus j'ai une édition ratée. Il manque environ quarante pages qui sont en faites imprimés deux fois. C'est très pénible à lire. Mais j'en ai d'autre, et promis, je vais m'y mettre bientôt, parce que là je ne poste pour l'instant que des anciens ouvrages de lui, ceux que j'avais déjà lu et que j'ai aimé.
Sinon je dois dire que cet ouvrage j'ai eu la chance de le découvrir d'une façon toute bête : les stands de livres d'occasions à Strasbourg. Il y en a sur la place Kléber durant l'été, et j'ai eu la chance d'y trouver plusieurs livres intéressant (Demain les chiens, Des fleurs pour Algérnon, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur) et qui rentraient dans le cadre du challenge. A moins de deux euros la pièce, on se rue dessus. Et c'est comme ça que j'ai acquis ce petit ouvrage, très court et très dense, qui m'avait attiré l'oeil à la fois par son statut et le bouche à oreille autour de lui, mais également avec son résumé qui sentait bon la science-fiction un peu vieille, celle qui se servait de la nouveauté technologique pour réfléchir sur l'homme et tout ses aspects, moraux, sociaux, intellectuels, ses rapports au reste du monde (nature, animaux, ciel ...). Bref, je me suis réjoui de le trouver et je l'ai attaqué sitôt fini De bons présages.
Et là, je l'ai lu en une journée (un peu plus, je l'avais commencé la veille au soir mais je n'avais pu lire que dix pages). Alors maintenant, voici la chronique !



Résumé en trois mots : Intelligence, Humanité et Souris

Le livre est en fait un journal intime, écrit par le héros, Charlie Gordon, qui est un homme simplet. Il est gentil, travail dans une boulangerie, mais il n'est vraiment pas malin, et vit sa petite vie normalement sans rien demander à personne. Tout bascule lorsqu'il commence un journal intime, en fait le livre, qui va permettre de comprendre une expérience. Une expérience dont Charlie est le centre d'intérêt. Il va subir une opération chirurgicale dans son cerveau pour le rendre intelligent. Les scientifiques ont en fait découverts la molécule du cerveau qui bloquait ses capacités et l'empêchait de réfléchir normalement. L'opération a déjà été tentée sur une souris auparavant. Elle s'appelle Algernon. Une souris de laboratoire classique qui est subitement devenue plus intelligente, de manière exponentielle.
Il vont opérer Charlie, et le voila qu'il va devenir jour après jour plus intelligent. Le temps aidant, Charlie développe des capacités hors-norme. Il est toujours suivi, outre par l'équipe médicale, mais aussi des psychiatre et toute une clinique derrière. Le docteur Strauss, le professeur Nemur, mais aussi son éducatrice pour personne retardée, Alice Kinnan. Tout ce monde va graviter autour de l'expérience du siècle.

Bien évidemment, la découverte de l'intelligence ne va pas se faire sans heurt. Et Charlie, en s'éveillant, va se rendre compte progressivement de ce qui se passe autour de lui. En effet, il va prendre conscience de la façon dont on le traitait en tant qu'idiot, de la façon dont l'intelligence peut le métamorphoser, lorsqu'une idylle va naitre avec Alice, mais aussi lorsqu'il se rendra compte de son passé, de ses anciennes lacunes, et encore plus grave : du fait que l'intelligence ne résume pas l'être humain.

Et bien vite, l'expérience tourne au cauchemar. Algernon commence à décliner, elle perd de ses facultés. Bientôt la voila redevenue aussi simplette qu'au départ. Et pour Charlie commence la descente en enfer, comprenant que son intelligence n'est que temporaire. Et qu'il faudra retourner à son ancien état.


Le résumé que je vous ai fait couvre une large partie de l'ouvrage, mais il faut souligner que non seulement le récit que je vous ai mis est copié au dos en tant que résumé (je déteste les résumés qui vous racontent 90 % de l’œuvre) et de toute façon, ce n'est pas le plus important. En fait, ce qui importe dans le récit, c'est tout ce qu'il y a derrière l’œuvre. A la fois la réflexion qui est menée sur Charlie, son passé et les impacts dans le présent, mais aussi les rapports entre lui et les médecins, la découverte de la sexualité, la découverte de l'intelligence et de son poids (comme la découverte des moqueries à son égard), la découverte de sa propre ignorance par rapport à son ancien lui, et enfin la découverte également des limites de l'intelligence. Car être intelligent ne fait pas tout, être trop intelligent peut être un fardeau, tout comme ne pas l'être assez peu vous conduire à être exclu de la société. Bref, pour Charlie ce sera à la fois un parcours initiatique dans tout les sens, mais aussi la prise de conscience d'un soi propre qu'il lui faudra abandonner fatalement.

Vous l'aurez compris, le propos est très philosophique. Et pourtant, on ne s'en rend pas compte. Déjà par le style d'écriture. En effet, Charlie écrit d'une façon horrible au début, utilisant plus la phonétique primitive que vraiment des mots normaux (exemple : il écrit "un telligent" au lieu de "intelligent"), la ponctuation est hasardeuse et le style des mots est très simple. Puis, au fur et à mesure qu'il devient intelligent, il utilise des mots plus complexe, il utilise aussi des constructions de phrases différentes, pour avoir ensuite un style très littéraire. Le procédé est très bien construit, avec une montée graduelle (et une descente du même) qui donne un aspect particulier à la lecture, et accentue énormément le côté progressif de l'apprentissage. Le lecteur est plongé avec Charlie, s'invitant dans sa tête et dans sa manière de penser.

Ensuite, ce qui est extraordinaire, c'est la montée graduelle et non brusque. On prend le temps de s'habituer au personnage, on sent comme l'intelligence arrive et comme elle repart. C'est très bien mis en scène et le fait d'y aller doucement permet de comprendre toutes les étapes de la construction mentale de Charlie, et surtout de se rendre compte que comme il le découvre, le seul fait d'être intelligent ne suffit pas à tout. Un humain ne se réduit pas à son seul QI, mais il est beaucoup plus complexe. Charlie va apprendre à se découvrir, à rentrer au cœur de lui-même et des relations humaines. Il va devoir apprendre qui il est, et surtout qui il était. Et en même temps, nous apprenons. Comme lui, nous explorons l'homme, l'intelligence, l'idiot. C'est une construction très bien faite, qui à la fois ne noie pas le lecteur dans une masse d'informations diverses, et qui en plus sait viser juste. Les propos sont touchants et criants de vérité. C'est à la fois pénible pour Charlie et le lecteur, qui comprend ce qu'il subit. Sans compter que le fait de se rendre compte lorsque lui n'en est pas capable rajoute pas mal de cruauté au récit. Une cruauté qui est d'ailleurs vite teinté de nombreuses nuances, surtout sur la fin, lorsque l'on se rend compte que l'on juge peut-être mal certaines personnes.
La conclusion est très grise, sans blanc ni noir net. On ne sait trop que penser, et finalement elle convient à merveille au récit, concluant dans le style déjà suivi, et dans le même ton. En lisant, je pensais à cette fameuse conception du temps comme une roue. L'auteur à vraiment fait quelque chose de très habile, et j'ai beaucoup aimé le lire.


En tout cas, j'ai été conquis par ce récit qui sait mêler habillement la science-fiction à une analyse très fine de l'intelligence et de l'humain. Le mélange est fait dans les proportions parfaite, donnant un roman dans lequel on ne s'ennuie pas une seconde sans pour autant que l'on perde en réflexion. Tout est dosé finement, les détails sont très soignés, et la lecture est juste parfaite dans l'ensemble, sans aucun temps mort. Le roman se dévore en un rien de temps et laisse une drôle d'impression, provoquant plein de questions, ce qui est vraiment une excellente chose. Je dois dire que je ne m'attendais pas à une réflexion aussi poussée et que la surprise fut assez grande. Encore un roman qui démontre -si besoin est- à quel point la science-fiction est utile dans la réflexion, comme elle peut servir de point de départ pour plein de questions et de théories sur l'homme et la vie en générale. Je recommande chaudement la lecture de ce livre qui est vraiment un ouvrage de référence. Et vive les challenges permettant de lire des livres pareil.

(Chronique n°52)


Sixième participation. Je progresse vite, et bientôt
deux autres suivront (cf. colonne de droite)

2 commentaires:

  1. Superbe billet! J'ai adoré ce bouquin! Un vrai coup de cœur!
    Je n'aime pas que l'on raconte trop du bouquin comme toi, concernant la quatrième, je ne la lis jamais :)

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  2. Pareil, il m'a plus énormément !
    Et les couvertures qui expliquent tout, c'est juste immonde, parfaitement d'accord

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