mardi 26 novembre 2013

Martin Eden (Jack London)

Lecture Jack London, suite (3/5)


Résumé en trois mots : Auteur, Social et critique

Non, pas d'introduction pour cette chronique.
Et pas de vrai chronique en fait.
Plutôt un assemblage de ce que j'ai ressenti par rapport à ce livre.

Jack London, je connaissais surtout pour ses livres d'aventures, Croc-Blanc, L'appel de la forêt, et autres petites nouvelles très réussies. Des romans que j'ai déjà dévorés mais que j'avais appréciés surtout comme des bons romans d'aventures, prenants et bien écrits, avec un fond intéressant sur la nature, la sauvagerie et autres choses de ce genre.
Mais là, c'est autre chose. Ce roman, c'est quelque chose de complètement différent. Très inspiré par sa propre vie dit-on (je ne sais pas si on doit s'y fier), l'histoire est celle d'un brave marin, Martin Eden, qui décide, par amour pour une femme, de s'instruire, de grandir en culture. Il commence à lire, à s'éduquer. Et commence aussi le récit en deux teintes, de sa réussite et de son échec, de son ascension et de sa chute. Un récit qui va suivre toute la vie de ce pauvre Martin Eden.

Je dois bien dire que j'ai rarement éprouvé un tel attachement à un personnage principal, et ce depuis un très long moment. Sans doute parce qu'il fait écho à beaucoup de choses en moi. Mais mon dieu ce que j'ai aimé. Il n'y a pas une phrase du livre que j'enlèverais, pas un atome que je contredirais. J'en suis si retourné que je me demande comment quelque chose pourra encore me sembler mieux écrit ensuite.
La raison de cette claque monumentale que je me suis prise en lisant tient en peu de choses : le sujet, qui m'a pris au tripes et m'a passionné avec une force .... Que je n'avais pas encore ressenti. Ou, si, je l'avais déjà ressenti, mais là elle a vraiment frappé dans son but. Et d'une manière violente. J'en suis encore retourné. C'était si extraordinaire à lire.

Le style de Jack London est ... merveilleux. La lecture est tellement fluide, j'ai été ailleurs, dans un autre monde sans m'en rendre compte. J'étais transporté, au-delà de mon propre corps, incapable de bouger voir d'aller boire un simple verre d'eau. Et puis, cette force narrative ... C'est un rugissement de l'écrivain qui transperce les pages, toute sa force, toute sa hargne, tout passe dans les mots. Le reflet total d'une pensée.
L'histoire est parfaite, sans que l'on ne puisse rien y changer (un cinéaste en changea la fin, la jugeant trop noire. C'est immonde, cette fin est aussi forte que le reste du récit) et qui va nous entrainer d'une manière subtile dans un rouage très connu de la littérature, sur les arrivistes, l'opportunité de changer de classe, le statut bâtard des personnes entre deux classes, mais aussi sur le milieu des écrivains, sur les penseurs, les philosophes, l'édition. Et sur l'amour. Quelle force London à mis dans son récit pour que l'amour transperce chaque page, qu'on vibre avec notre narrateur dans cette passion qui le consume. Et quelle cruauté le héros subira sans broncher, toute la bêtise et la haine de l'homme, son ignorance et sa crasse. Personne n'est épargné, bourgeois, ouvrier, penseur, critiques, commerçants, tous sont plongés jusqu'au cou dans leurs ignorances crasses, dans leurs saleté cognitive.

Et ce livre reçoit un parfait écho actuel, lorsqu'on entend des centaines de gens parler de livres qu'ils n'ont pas lu, se déclarer savant sans connaitre la moindre théories dont ils parlent, sans même essayer, ce qui est plus grave, de combler leurs lacunes. Hommes politiques, journalistes, présentateurs télés, professeurs, boutiquiers, écrivains, tout ceux qui écrivent sans savoir sont déjà représentés dans ce livre vieux de cent ans. Ces dictateurs de l'esprit qui n'en possèdent pas un atome. Quelle retentissement par rapport à notre monde, dans lequel la majorité se complait d'une couche mince de savoir et qui ne recherche jamais à en avoir un peu plus, toujours plus. Pas par curiosité, pas par devoir, pas par intellectualisme. Mais par amour, par envie, par plaisir, pour se savoir plus cultivé, pour comprendre, pour aller plus loin.

Je ne parlerais pas plus là-dessus, tant il y a aurait a dire, mais quelle beauté, quelle force se dégage de ce livre. On est pris dedans dès les premiers mots et ce jusqu'au bout, jusqu'à la dernière ligne. Des allégories en pagaille, des coups dans toutes les faces, le héros charismatique à souhait va nous balader dans une vie trépidante qui ne bougera quasiment pas d'une pièce minuscule qu'est sa chambre. Car tout est un combat intérieur. Une grosse claque dans la gueule, et qui m'a retourné plus que jamais.


Lisez-le. C'est du Zola, c'est du Balzac, c'est du Maupassant, c'est de la poésie et de la satire, de la chronique sociale et de l'amour, de la haine et de l'abattement, du découragement et de la volonté. Ça prend au tripes, ça vous laisse un gout amer une fois fini. C'est puissant, c'est fort, ça frappe au bon endroit, ça parle en connaissant la chose. C'est parfait.

(Chronique n°99)

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