dimanche 24 novembre 2013

Construire un feu (Jack London)

Lecture Jack London, suite (2/5)


Dernier recueil de nouvelles de l'auteur que je possédais (nb : en fait l'avant dernier finalement), je l'ai lu sur les conseils d'un professeur de français que j'ai croisé dans un stage de théâtre. Il m'avait parlé de cette histoire curieuse d'un homme qui doit construire un feu dans la solitude glacée du Klondike. Et j'ai finalement acheté le recueil après la lecture de Martin Eden, replongeant dans du London jusqu'au cou, mais me rendant aussi compte que cet auteur fut prolifique et qu'il me reste encore beaucoup à lire. Cela sera pour plus tard, en attendant voici ce que j'ai tiré de son recueil.

Résumé en trois mots : Solitude, Klondike et Sauvage

J'ai lu ce recueil très vite, je m'en suis rendu compte lorsqu'il était fini entre mes mains. Il contient en tout 6 nouvelles et la première version de la nouvelle qui donne son titre au recueil. S'ajoute en plus une très longue préface d'un auteur que je ne connais pas (Kenneth White), et que je n'ai pas lu lorsque j'ai remarqué qu'il faisait exactement ce que je déteste dans une introduction : éventer absolument toutes les nouvelles (du coup je me suis gardé le suspense et je ne l'ai pas lu). Quand Gaiman fait une introduction pour introduire l’œuvre, son contexte et son écriture, oui ! Surtout qu'il ne dévoile rien. Mais là, notre brave chroniqueur nous donne des clés de compréhension, et bien évidemment cela déflore l'histoire.

En dehors de ce détail d'édition (qui est très facilement évité), qu'avons nous derrière ? Sept nouvelles qui continuent la lignée de ce qu'il y avait déjà dans Le fils du loup mais d'une façon différente et se concentrant sur d'autres thématiques. En fait je dirais presque que le recueil offre cette fois-ci un fond plus solide dans ses écrits, ceux-ci donnant plus à réfléchir. Les thématiques varient et les métaphores commencent à devenir plus ciselées. En tant que tel, Jack London à évolué de style et les nouvelles me semblent pour la plupart plus mature. Ce n'est pas encore l'auteur de Martin Eden que l'on a, mais les nouvelles ne sont plus seulement des portraits d'hommes sauvages et violents des contrées du nord.

Le recueil s'ouvre sur un récit sympathique mais un peu plus anecdotique qu'est Perdu-la-face. Le récit est assez surprenant puisqu'on ne comprend pas le titre avant la fin et qu'il est bien trouvé. D'ailleurs le ton est assez tourné vers l'humour noir quand on songe au point de vue adopté.
Il continue avec Mission de confiance, une histoire qui fleure plus le sociale. La course qui est présente dans le roman à deux points de vue. D'un côté les paysages et le pays traversé, toutes les rivières ou les endroits connus (notamment ce fameux Chilkoot Pass), mais aussi la quête de cet homme lié par une amitié qu'il veut honorer, le poussant à transporter un lourd colis dont il ne sait rien. La fin laisse songeur est je crois qu'il faudrait encore que je presse un peu cette nouvelle pour en extraire tout le suc.

La nouvelle qui suit est celle qui donne son titre au recueil, et celle qui m'a paru la plus impressionnante. London va nous en faire le récit à la fois de l'ignorance et la bêtise d'un homme, mais aussi de l'homme face à une nature violente et sauvage, impitoyable. Et également d'une leçon sur la vie en générale. Mais je ne peux que faire là des interprétations rapides et pas très poussées. Je ne vous recommande que la lecture, c'est incroyablement prenant comme d'habitude.

Ce sacré Spot une histoire plus légère et là encore la nouvelle va concentrer tout sur la fin, puisque l'on s'attend à découvrir la raison de la première phrase. Mais l'humour est beaucoup plus présent et le cadre est moins le nord froid que les relations avec les chiens de traineaux, animaux qui apparaissent souvent dans l’œuvre de London.

Braise-d'or, une nouvelle étrange qui m'a laissé un gout doux amer en bouche, à la fois par son côté fataliste et assez sombre mais en même temps grotesque, présentant quelques facilités qui s'estompent devant le sujet, très grave au final. Ce n'est pas une nouvelle humoristique mais il y a tout les ingrédients pour. Le mélange final est curieux et à mon avis assez dérangeant.

La disparition de Marcus O'Brien, une nouvelle qui m'a fait rire car elle va nous présenter une histoire qui prend au dernier moment une direction complètement inconnue. C'est d'autant plus amusant qu'on ne s'y attend pas du tout, bien que le titre nous prévienne. Un peu plus légère, elle aborde précisément le sujet de l'alcool.

Et enfin la dernière, Le bon sens de Porportuk, une nouvelle avec laquelle j'ai eu beaucoup de questions. Est-elle positive ou négative, je ne sais pas. En tout cas elle est troublante, puisque je me demandais au final qui était véritablement le héros de la nouvelle, et la fin m'a laissé pantois. J'avoue que c'est assez rare de lire une fin comme celle-ci, qui finit par nous faire repenser le reste mais en même temps qui nous laisse un sacré gout d'amertume. Je n'ai pas trop d'idée de comment l'aborder, mais elle m'a franchement troublé.

A tout cela s'ajoute les qualités classiques de Jack London, à savoir : une bonne plume qui fait que l'on est pris rapidement dans l'histoire, un dynamisme d'écriture et une narration fluide, des descriptions qui donnent l'impression d'être plongé dans les paysages, des personnages curieux, sortes d'hommes redevenus plus sauvages et plus farouche, mais aussi humains même si cela ne transparait pas toujours, des femmes fortes et indépendantes, jouant avec les hommes, et des relations avec les indiens mitigés. Parfois héros, parfois ennemis, ils n'ont pas un visage unique et semblent aussi bien bons que mauvais, comme tout un chacun dans les nouvelles de London.


Ce recueil est vraiment réussi, London réussissant à faire des nouvelles à caractère souvent originale, prenant des voies que je ne pensais pas tout de suite, mais également humoristique, face que je ne lui connaissait pas mais dans laquelle il sait se débrouiller. Les histoires développent en prime des arrières propos qui ne sont pas inintéressant et plusieurs belles métaphores. L'homme face à une nature sauvage laisse progressivement place à l'homme face à d'autres hommes, mais aussi et surtout face à lui-même. Comme si les neiges du grand silence blanc reflétait ces âmes parties chercher fortune en terre inhospitalière. Un recueil bien intéressant donc, et je le recommande à la lecture.

(Chronique n°98)

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