jeudi 31 janvier 2013

Orcs (Stan Nicholls)


Bon, nous avons abordé plusieurs livres différents, mais avec pour l'instant tous un point commun : je les ai bien aimé. Maintenant, voyons un livre que je n'ai pas beaucoup aimé. En fait, plus qu'un livre, c'est une trilogie (je vous rassure, ce ne sera pas la seule). Donc je vais enfin essayer d'appliquer ma politique. Voyons si je ne vais pas trop le descendre. Enfin, en même temps je lis rarement des critiques élogieuses sur ce sujet.

Donc, voyons ensemble un roman de fantasy tout ce qu'il n'y a pas de meilleur : Orcs de Stan Nicholls.


Résumé en trois mots : Orcs, Quête et batailles

Orcs, c'est une trilogie de Fantasy dans un autre monde, avec ses créatures extraordinaires, ses codes et ses scènes clichés. Mais avant tout, voyons l'auteur.
Stan Nicholls est un auteur britannique qui est né en 1949. Cette trilogie Orcs est son œuvre la plus connue, mais pas la seule, ayant écrit beaucoup d'autres choses en fantasy. Il est d'ailleurs, semble-t-il, doué d'un égo particulièrement démesuré suite à cette série. Je ne vais pas trop en dire sur l'auteur, au risque de devenir médisant, mais j'avoue qu'il est assez particulier.

Donc nous avons un roman qui propose de prendre comme point de vue principal les méchants des aventures de Fantasy classique : les orcs. Bon, pour l'instant il faut dire que la démarche n'est pas neuve, l'idée de donner du charisme au méchant est une idée qui date d'il y a un moment tout de même (relisez les vampires de Anne Rice qui en propose une autre approche en 76) lorsqu'il écrit sa trilogie, fin des années 90 et début des années 2000. Mais bon, il propose par là une idée qui peut être très intéressante bien exploitée.

Et bien .... Elle ne l'est pas. Comprenez bien mon propos : dans la fantasy, quelques classiques sont instaurés comme codes. Par exemple, les elfes tirent à l'arc, les hommes se battent surtout à l'épée et les nains à la hache. Ils vivent dans les montagnes, les elfes dans la forêt. Les dragons sont des créatures énormes et très vieilles, et crachent du feu. Ce sont là des codes généraux qu'utilisent la majeure partie des auteurs sauf dans quelques cas (notamment les parodies). Lorsqu'un auteur se propose donc de faire des orcs les personnages principaux, on est en droit d'avoir des gros guerriers, un peu bourrin, mangeant de la viande et violent, sauvages, etc ... Ce qui n'empêche d'ailleurs pas d'en faire des personnages très agréables.
Mais là, Stan Nicholls va nous pondre des orcs romantique. Oui, vous lisez bien, des orcs romantiques. Des orcs qui s'interrogent sur le sens du monde et de leurs actions, sur la futilité de leurs gestes etc .... Je ne sais pas pour vous, mais Conan le Barbare qui réfléchirait à la question du bien et du mal ça ne passe pas du tout. Mais bon, admettons. Supposons que l'auteur veuille faire quelque chose de plus profond.

Déjà, prenons l'histoire.  Une compagnie d'orcs, nommée Les Renards, est aux ordres d'une créature puissante, sorte de sorcière, nommée Jennesta, qui règne sur une grande partie des terres. Oui, il y a plusieurs grands dirigeants, des humains convertis à une religion monothéistes, les Unis, et d'autres polythéistes (les Multis). Dans tout ça, les orcs servent la maitresse qui est particulièrement méchante et ne fait que les utiliser. Lors d'une mission, échouant en se faisant piquer ce qu'ils devaient ramener, ils décident de devenir paria et de s'enfuir. Jusqu'à là c'est bon.
On note déjà qu'il y a beaucoup de clichés (et en le lisant c'est encore pire), puisque absolument tout est téléphoné, pire qu'un blockbuster américain. On sent venir à des kilomètres les actions, le conflit Multi/Unis est une tentative bien maladroite d'afficher son point de vue sur la religion (en clair les Unis sont des méchants pas beau du début à la fin, aucune question sur leur foi et leur conversion). Mais en plus, l'histoire va proposer quelque chose d'incroyablement cliché : les héros immortels.
Soyons bien d'accord : je ne cours pas forcément après les récit du genre Game Of Throne qui tue un personnage principal par livres (même si cela est sacrément plus prenant et intéressant) mais quand les héros passent environ 1/3 des livres à se battre dans des mêlées à 1 contre 10, quand ils font des chevauchées désespérés qui réussissent tout le temps, qu'on à trois morts (ou dans ces eaux là) au final, alors qu'il se font poursuivre par absolument tout le monde dans l'univers crée, c'est franchement lassant. A la limite, pour le héros, je ne dis pas, mais absolument tout ceux qui font partie des Renards semblent partir avec neuf vies.

Ensuite, je dois dire que Stan Nicholls à fait le choix d'un monde crée de toute pièce. C'est honorable de ne pas reprendre un monde tout fait, et de faire le gros travail de création. Je suis d'accord, mais là je me demande si c'était vraiment nécessaire. Le monde n'a absolument rien d'original. Mais vraiment rien. C'est juste plat : Unis = méchant (forcément), la maitresse du début est une magicienne aux super pouvoirs qui les recherche tout au long mais en le suivant .... avec son armée (alors qu'un bon sort à distance et on n'en entends plus parler). Ensuite, les humains sont les méchants. Soit, c'est un parti pris. Mais là, c'est pitoyable. Le profil de l'humain : intégriste religieux principalement. Je veux bien qu'on ai ses idées, mais affirmée avec autant de force (d'autant qu'il les rend également très con), c'est juste lassant.
En fait, je crois que le gros problème du récit, c'est que Stan Nicholls veut absolument enfoncer ses idées et pour cela va chausser des souliers ferrés. Et quand on veut me forcer, j'ai tendance à résister.

Après, l'histoire se lit. L'enchainement est fluide et logique, mais par contre (encore !) les ficelles utilisées sont d'une grosseur énorme. Il faut trouver cinq artefacts sacrés (que tout le monde connait, mais que personne n'a eu idée de rassembler bien évidemment) qui possèdent un étrange pouvoir qu'il faut découvrir. Devinez qui va le découvrir ? (si vous ne voyez pas, la lecture vous semblera plus intéressante). On ajoute également des idées douteuses (les protagonistes se font des fixes à la drogue tout au long sans qu'il ne soit mentionné que c'est peut-être un peu douteux) et des clichés (le héros à des visions d'un autre monde qui semblerait plus beau et qu'il à l'impression de pouvoir rejoindre). Le final d'ailleurs est trèèèèès cliché également et sans la moindre surprise. Tout est convenu et téléphoné. En plus, la fin clôt le sort des héros, mais aucune indication n'est faite pour le sort du monde. C'est très énervant.

Et en sus, nous avons des gueules classiques de chez classiques : le héros fort, bon, brave, inquiet pour les siens, la fille brave, forte et courageuse (et accessoirement la seule), le vieux sage, l'étranger qui veut se faire accepter (ici c'est un nain), le héros grande gueule et plutôt casse-pieds (et qui en prends plein la figure tout au long du récit) mais avec un grand cœur au final (indice : il se dispute tout le temps avec celui qui veut se faire accepter mais est quand même son ami). Bref, absolument rien de neuf sous le soleil. Vraiment rien.

Du coup, que dire de la trilogie Orcs ? Elle est dans un schéma type de la fantasy, usant et abusant des codes, voulant faire des innovations mais qui ratent largement leurs buts. L'intrigue est trop linéaire, tout est téléphoné. Lorsque vous avez fini le livre, il n'y a rien à en tirer de vraiment concret, en terme de réflexion ou simplement d'imagination.
Cela dit, le récit est correct en terme d'écriture, fluide et intéressant. Il est parfaitement lisible, et ne perd pas ses lecteurs, ni avec les lieux ni avec les personnages. Un bon équilibre à été trouvé également avec les points de vue, mais absolument pas exploité. L'ensemble est clairement dispensable.

(Chronique n°5)

J'ajouterais également que l'auteur à prolongé la saga avec une nouvelle trilogie (que je ne lirais sans doute pas) et peut-être encore une autre à venir. Si vous avez aimé le premier axe, ne vous privez pas. De même si vous le trouvez d'occasion, ça peut toujours passer. Mais je pense franchement que c'est une série qui n'est pas à la hauteur de ce qu'on trouve en fantasy. D'ailleurs je ne suis pas très encouragé à suivre l'auteur.

mercredi 30 janvier 2013

Etat des lieux (Antonin Gallo)


Vous ne savez peut-être pas, mais il existe une catégorie pour chaque BD existante. C'est plus pratique pour les retrouver lorsqu'on fait un classement. Mais tout n'est pas simple, et certaines par exemple ne rentre pas dans une seule catégorie, on est obligé de les mettre dans plusieurs à la fois. C'est extrêmement épineux comme sujet, un bon moyen de dispute entre bédéphiles convaincus (lancez en deux sur La nef des fous* de Turf, vous verrez, on rigole vite). Du coup certaines catégories naissent, comme Inclassable qui sert allègrement de poubelle à un peu tout et n'importe quoi. Et encore pire : la catégorie Roman Graphique.
Cette catégorie, c'est tout simplement une catégorie dans laquelle on range tout ce qu'on veut. La description laisse rêveur :
L'expression « roman graphique » désigne un genre de bande dessinée, généralement longue, sérieuse et ambitieuse, destinée à un lectorat non-enfantin
Source : Wikipédia (je sais, c'est pas le mieux).

En fait, il faut surtout retenir que le terme englobe des séries de bande-dessinée à but sérieux, qui constituent un livre à part entière ou une série (en clair, pas de division interne, pas de planches ou de strip). Mais là encore, la notion est très floue, et depuis la naissance du terme, il englobe de plus en plus de choses. Comme quoi, c'est compliqué les définitions. Pour l'histoire, le terme est une traduction de l'américan "Graphic Novel", qui s'opposait à l'époque au comics classique : super-héros, humour en strip ou planches etc ... C'est le moment où Will Eisner chamboule la donne avec ses romans, mais nous aborderons ces histoires plus tard (quand j'en saurais un peu plus sur le sujet et que j'aurais lu du Will Eisner).


Cette introduction un peu longue va nous permettre de ranger la BD qui va suivre, et qui à aussi un parcours atypique. Car nous allons aujourd'hui aborder le genre de BD qui m'a décidé à créer ce blog, étant donné qu'il est quasiment impossible de les commenter sur des sites normaux : les BD-blogs. Mélangé avec les romans graphiques, oui messieurs-dames. Rassurez-vous, je ne vais pas vous perdre. Lorsque j'aborderais les différences entre les catégories de BD, vous serez un poil plus sollicités niveau matière grise.

En attendant, voila la chose en question : applaudissez bien fort notre nouvel arrivant !


Résumé en trois mots : Passé, Amour et Acte manqué

Ce roman graphique est un peu complexe à aborder. Je vais d'abord en expliquer l'histoire, pour ceux qui veulent lire la critique, sautez directement au paragraphe sous la deuxième image.
Tout d'abord, il faut savoir que cette BD à été publiée aux éditions Amilova, une magnifique création du web. Cette plate-forme à été crée pour permettre aux auteurs de mettre leurs BD en ligne, avec une rémunération (par exemple que les 100 premières pages accessibles sans abonnements uniquement), et qui publient de temps à autres des livres vendus uniquement sur le web (pas de devantures dans les magasins malheureusement). Cette plate-forme propose d'ailleurs plusieurs perles (dont je parlerais lorsque je les aurais lu, ça attendra la prochaine paye). Pour le nom, il vient d'une des BD publiée (et celle à l'origine de la plate-forme si j'ai bien compris) nommée Amilova, mais que je n'ai pas encore lu, je le confesse.

Dans tout cela, vient se greffer l'auteur, Antonin Gallo, dit Mr To (si vous cliquez, vous arrivez sur son blog, c'est beau la magie du net), un auteur de ... euh, peu d'année, je viens de remarquer qu'on ne trouve pas forcément beaucoup d'informations sur lui. Bon, j'admets que j'ai pas poussé super loin les recherches, mais je dirais que ce n'est pas l'essentiel.
Enfin bref, cet auteur va nous pondre un petit chef-d’œuvre de roman graphique, qui décoiffe sacrément. Je vais vous en faire le commentaire tout de suite, mais je précise auparavant que la BD est en ligne sur Amilova (Cliquez-là) ou tout simplement est disponible à l'achat en cliquant ici. C'est plus sympa de le lire chez soi -comme souvent pour une BD du net- et en plus ça fait tourner le site. Et franchement, le prix pour 120 pages de roman graphique, c'est dérisoire. D'ailleurs je pense que vous entendrez souvent parler du prix des BD, parce que c'est un gros souci quand on en fait la collection. Mais là je m'égare, allons tout droit au but : la BD en elle-même.



Le roman graphique va donc nous présenter l'auteur en tant que narrateur qui va faire un état des lieux (à la manière d'un Trondheim dans Approximativement* ou Larcenet dans Presque*). Un état des lieux de quoi, me direz-vous ? D'une fille. Plus précisément d'une attitude, de souvenirs et des relations avec cette fille. Et par là même, l'auteur nous livre une bonne partie de ses années de lycée, ce qui n'est pas sans intérêt non plus.
L'histoire semble très classique, un truc déjà vu, mais ici tout l'intérêt est dans la relation qu'il va entretenir avec la fille : "Voici Julie, mon acte manqué". Je pense qu'avec cette simple phrase, la BD est bien résumée. Mais attention, ce n'est pas si simple. Car pour un acte manqué, il faut beaucoup de travail préparatoire. Et beaucoup d'occasions manqués également.
Je précise tout de suite que la BD parle sans doute plus lorsqu'on a quitté le lycée et qu'on peut se placer dans la situation de l'auteur, mais si on y est encore, on peut y lire un avis de ce qu'il ne faut pas faire. Du coup, c'est assez intéressant des deux points de vue. Grosso modo, tout le monde peut se sentir concerné.

Cette histoire va se concrétiser avec l'auteur qui retourne dans son lycée, revoit les lieux et fait rejaillir les souvenirs attachés à eux. D'autant qu'il intervient dedans, mais pas comme dans de la SF. Je vous laisse découvrir, mais c'est vraiment bien fait. Le dessin d'ailleurs se caractérise différemment selon le moment où il se passe (présent ou passé). Je ne suis pas assez expert en la matière pour le décrire, mais en employant mes mots, je dirais qu'il y a un côté plus crayonné dans le présent, et plus "peinture" (zut alors, je ne trouve pas un mot pour décrire) lorsque c'est dans le passé.

En parlant du dessin, l'ensemble est en noir et blanc, sauf la couverture, et dans l'ensemble d'une très grande beauté. D'ailleurs il est très clair, très beau, et je trouve que la lecture est très fluide. On comprend tout de suite les personnages, et on les repère vite. En clair c'est très loin de ce que produit Lauzier (même si celui-ci reste également assez clair). Et le dessin est parfaitement bien maitrisé. Je le précise parce que les productions du net ne sont pas forcément réputées pour ça, et parfois on tombe sur des choses très amateur. Mais là je m'égare à nouveau. Donc niveau dessin, aucun cliché par rapport à internet et un kéké qui dessine avec ses feutres durant le cours de maths, c'est très beau et c'est très clair. Personnellement je suis fan, et après avoir relu les Lauzier, je note également qu'on a le droit ici à un texte parfaitement clair, autant dans l'ordre de lecture que dans la taille de l'écriture. Je dois dire que ça fait plaisir de lire facilement. J'y reviendrai pour d'autres BD (plus tard ...).

Ensuite, concernant l'histoire, là c'est encore du tout bon. C'est peut-être classique et à tendance romantique, mais l'humour est présent pratiquement du début à la fin, certains passages sont vraiment très beaux, c'est dynamiques, bref on a pas le temps de s'ennuyer. Par contre, il faut aimer les récits introspectifs, avec de la réflexion, de la poésie et du romantisme (quand même un peu). Je noterais un détail : l'ordre des scènes est fait selon la remontée des souvenirs, pas selon leurs ordres chronologiques, et j'avoue ne pas avoir clairement différencié l'ordre par rapport aux deux années de Terminales, si une scène s'était passé lors de la première ou de la deuxième année. C'est un détail, étant donné que même sans ça j'ai tout suivi, mais il convient de le noter. Sinon en terme de critique j'avoue que je ne trouve pas grand chose à reprocher. Peut-être qu'on peut critiquer le fait de ne pas aller à fond tout le temps à chaque souvenir, mais j'ai trouvé que c'était juste bien dosé, avec le choix pour le lecteur d'en tirer les conclusions. C'est juste un état des lieux, pas une analyse poussée. Faudra une fois que je note les livres dont les titres sont remarquablement bien choisi.

J'ajouterais également que la BD livre une belle réflexion autour de l'acte manqué, mais pas seulement autour du reproche qu'on peut faire envers son passé, mais également de la continuité de cet acte dans le présent. Pour ça, je vous laisse lire. Mais en plus, quand l'histoire est belle, c'est parfait. Et quand une histoire d'amour est raconté intelligemment, je craque facilement. Du coup je suis tombé très vite sous le charme de État des lieux.

Par contre, le livre se finit sur un retournement qui donne juste envie : savoir la suite. Pour l'instant elle est commencée, et s'intitule La fille aux cheveux châtains (qu'on trouve également sur le net : clic-clic) mais qui n'est pas terminé. Bon, l'auteur à beaucoup d'autres projets, alors on lui pardonne. La patience est une vertu en BD : pour le tome 2 se Sasmira, il a fallu 14 ans (et la série est pas encore finie ..), on attends encore le tome 4 de Les feux d'Askell (17 ans d'attente celui-là) et Candélabres tom 5 est promis depuis 6 ans. Donc on ne va pas trop reprocher l'attente.


En résumé, voici un excellent exemple de roman graphique : le dessin est très réussi, et très beau, le propos est très clair et parfaitement réussi. L'auteur livre une histoire avec morale et réflexion (je dirais que c'est sans doute la caractéristique d'un roman graphique, mais ce n'est que mon avis), ouvrant pas mal de portes. Le récit est très bien construit et prenant, on ne s'ennuie pas et il y a une belle inventivité. En clair, c'est un opus qui s'installe très facilement sur les étagères de votre bibliothèque. Le prix est modique pour une fois (disons qu'on ne doit pas faire un emprunt à la banque) et le format de poche tient bien sur l'étagère. Toutes les bonnes raisons de l'acheter, ou à défaut de le lire.

* Une chronique bientôt, promis (en disant ça, j'ai encore 150 BD à chroniquer, et au moins autant de livres ....). Lorsqu'elle seront faite, je mettrais un renvoi vers celles-ci.

PS : les illustrations sont publiées avec l'aimable autorisation de leur auteur, merci de ne pas en faire n'importe quoi

(Chronique n°4)

mardi 29 janvier 2013

Les yeux du dragon Stephen King

Si je vous cite Stephen King, il est plus que probable que vous ayez des images assez morbides dans les yeux, ce qui n'est pas ma volonté première (ne suis-je pas la gentillesse et la douceur incarnée ?). C'est pourquoi je vais remettre à plus tard la critique de l'intégralité des ouvrages de l'auteur américain adulé pour ses récits de terreur et de fantastique angoissant. Cependant, je dois dire que l'auteur est très bon -voir meilleur- dans les autres genres de livres qu'il produit. A mon humble avis, Dead Zone (plus fantastique), Running Man (anticipation) et autres Différentes saisons (quatre nouvelles) sont parmi les meilleurs qu'il écrivit. Je promets que je ferais la critique de tout les Stephen King (je crois que je les ai quasiment tous lu, sauf une poignée), mais pour l'instant, abordons un de ses meilleurs livres, et quasiment unique en son genre.

Je vous propose un conte du maitre de l'horreur : applaudissez bien fort Les yeux du dragon !

Résumé en trois mots : Conte, Magicien et Prison

Stephen King, c'est le genre d'auteur qu'il faut introduire. Et je pourrais en écrire des tonnes sur lui, car c'est un auteur assez remarquable, quant aux introductions ou précision qu'il fait dans ses livres. Mais je m'attarderais au fil des articles, il y a assez de roman pour cela.

Ah oui, et ceux qui attendent le dragon, il a été tué déjà au début du roman et sa tête est un trophée qui orne un mur du palais. Donc ne le cherchez pas dans le texte. Et en plus il s'appelait Nini. Franchement, pour un dragon c'est clairement ridicule. Enfin quoi, un dragon, mince ! Mais bon, revenons à nos moutons, comme dit si bien Bobby Lapointe.

Donc, Stephen King, charmant petit garçon de 40 ans, se rendit compte dans les années 80 que sa fille Naomi (à qui est dédicacé le livre) avait treize ans mais n'était toujours pas intéressée par ses livres, car trop sombre, avec des monstres, bref, tout ce qui ne l'intéressait pas. Du coup, il eut l'idée très remarquable d'utiliser la forme du conte pour écrire une histoire à destination de sa fille. Une idée que j'applaudirais à deux mains si ce n'était pas lui qui l'avait écrit.
« C'est l'heure du conte les enfants ! »
Rien qu'à imaginer ce psychopathe lire
une histoire à des mômes, je n'en dors plus
Car Stephen King est passé maitre dans l'art de tenir un lecteur en haleine, avec une histoire aussi bateau que celle d'un roi, d'un magicien, de deux fils et d'un royaume. Mais finissons le propos, voulez-vous ?
Précisons donc que je lis toujours en version française (je sais que c'est un tort, mais mon niveau de langue étrangère ne me laisse pas d'autre choix). C'est donc  une traduction par des gentils messieurs bilingues, mais je dois dire qu'elle est remarquablement bien faite (comme souvent avec lui d'ailleurs), on garde l'esprit et le rythme de la version originale (je reprends ici les propos de lecteurs bilingues). Bref, la version française vaut le coup. En outre, optez pour le grand format à couverture rigide. C'est plus contraignant à caser dans la bibliothèque, mais vous aurez de superbes images en sus, et celles-ci valent vraiment le coup si vous comptez le lire à des enfants. Enfin, c'est ce que je choisirais si je faisais ce genre de choses. Sinon prenez un Claude Ponti, ça passe largement mieux.

Donc nous avons un conte "pour enfant" (mais franchement, étant adulte c'est super lisible également) qui s'inscrit en droite ligne de l'héroic fantasy. Comprenez qu'il y a des magiciens, des effets spéciaux trucs magiques, et des créatures bizarres (comme des dragons). L'histoire qui s'installe est également très classique : un roi à deux fils. Peter, l'ainé. Il est grand, il est beau, il sent bon le chèvre chaud. Courageux, intelligent, il excelle dans tout les domaines, et de plus il est l'héritier légitime. Bref, tout lui sourit. A l'inverse, son petit frère, Thomas, est laid, lent, maladroit, un peu benêt, toujours dans l'ombre de son grand frère qu'il jalouse tout de même un peu. Bien évidemment, on s'attend à un conflit entre frères, mais je vous rassure tout de suite, il n'en sera rien.
Ajoutons à cette heureuse famille le magicien du roi Randall Flagg, un être malfaisant et vil, l'incarnation du vilain pas beau qui essaye de corrompre tout le monde. C'est d'ailleurs un personnage que Stephen King réutilise régulièrement dans ses romans (Relisez Le Fléau et surtout La tour sombre). Ce personnage est un méchant pas beau qui veut causer la pagaille au royaume. Pour quelles raisons ? Et bien ... Il est méchant. Et le chaos c'est son truc. Pour plus d'infos sur lui, voyez plutôt le cycle de La tour sombre, c'est plus parlant. Retenons qu'il est méchant. Point.
Donc cette heureuse famille royale vit tranquillement, les jours succédant aux jours, mais on s’aperçoit vite que Flagg veut faire son petit ménage dans le royaume, et pour cela, il va agir. Je ne vous dis pas ce qui va se passer, je vous laisse le lire, mais c'est vraiment bien fichu. Le propos est assez inattendu au début, et très vite le roman s'embarque dans une aventure dont la fin est celle qui convient à un conte. Heureuse ou malheureuse, c'est à vous seul de juger, mais en tout cas Stephen King n'a pas son pareil pour faire des fins ambiguë.

Puisqu'on en est là, parlons justement des protagonistes. Car la famille royale présentée n'est pas la seule à évoluer, il y a de nombreuses personnes autour : des servants, des amis, des juges, et d'autres personnes de ce style. Tout ce petit monde va se croiser et s'entrecroiser autour d'une histoire de serviettes, de maison de poupée (dit comme ça c'est très flou, mais je vous garantis que bien expliqué, ça semble très cohérent). On est également dans des questions autour de Thomas, personnage très attachant au final, dans l'ombre de son frère ainé, très attaché à son père, mais n'osant pas pleinement le monter, craintif, manipulable et manipulé. Rongé de remords aussi, complexé par sa situation, il est à la fois comme un enfant apeuré, mais également comme un adulte irresponsable. C'est l'exemple type du personnage faible. Et pourtant ... Parfois des trésors de ressources peuvent se cacherdans des endroits inattendus. Mais là encore, je vous laisse le lire.

Le traitement de l'histoire est classiquement celui d'un conte : les gentils sont gentils, le méchant est parfaitement bien méchant, les intrigues sont celles d'un conte, ce n'est pas du tout complexe (et ce n'est pas ce qu'on recherche), mais très prenant (et assez angoissant pour un gamin je pense). En terme de recherche scénaristique, il y a de l'originalité, de l'inventivité, mais là encore, il ne faut pas forcément s'attendre à des sommets. La résolution sera très classique dans le genre, mais en même temps c'est efficace. Peut-on lui reprocher ? Dans la ligne directe, la morale est simple, mais à nouveau efficace, autour de valeurs universelles telle que l'amitié, le courage, l'honnêteté et toute ces sortes de choses qui font de nos enfants des hommes accomplis et aptes à vivre en société. Là encore, c'est classique, mais dans le genre c'est efficace. Pourquoi s'en priver ?

J'ajouterais que Stephen King apporte des idées très intéressante autour de la magie et du pouvoir qu'il confère à Randall Flagg, unique magicien mais largement pas omnipotent et puissant. Ainsi il va proposer sa vision de la boule de cristal, de l'invisibilité, ou simplement des visions. C'est très intéressant et l'impact de l'idée "Oui, mais ça ne peux pas marcher parce que ..." est amoindrie. Là encore, Stephen King sait faire preuve d'une belle ingéniosité dans son récit (c'est tout à son honneur), mais prouve également que ses recettes fonctionnent toujours : Flagg est terrifiant, et plus d'un passage est vraiment angoissant, oppressant, conduisant le lecteur à tourner les pages très vites. C'est un gros désagrément de Stephen King : on lit la plupart du temps en un seul morceau ses œuvres. C'est très très dur de décrocher. Mais bon, encore une fois, est-ce un tort ? (personnellement je pense qu'un livre est toujours plus sympathique quand on le lit en un seul morceau continu de temps, sans pauses. C'est l'occasion d'être vraiment à fond dedans, de se créer mentalement un monde et d'y rester le temps d'une lecture, mais ce n'est que mon avis). Enfin, le découpage des chapitres est bien fait, avec un double effet : la lecture est plus prenante, s'arrêtant au milieu de passages clés, mais en même temps si on lit avec son enfant le soir, il est plus facile de faire des pauses. Encore un atout.


En conclusion, Stephen King fait ici une adaptation de conte qui est à la fois très classique dans le traitement et dans la morale, mais qui, en même temps, propose quelques innovations par rapport à la moyenne d'âge visée et contient beaucoup de bonnes idées. On peut regretter un manichéisme très primaire, un méchant tellement méchant -notamment autour de son but, très flou- qu'il perd quelque crédibilité, et quelques passages un peu angoissant si on le lit à un enfant en bas âge. Attendez plutôt qu'il ait dans les douze ou treize ans pour lui lire. Mais pour un adulte, ça reste un excellent roman, simple et efficace, qui touche son but. Et pour une fois, il n'empêche pas de dormir (pour un Stephen King, c'est assez rare). Comme dit, la version en grand format illustrée est un bel ouvrage et une petite merveille pour les yeux. Ne vous en privez pas.

(Chronique n°3)

dimanche 27 janvier 2013

La course du rat (Gerard Lauzier)

Qu'on se le dise une bonne fois pour toute : la BD est instructive et utile. Elle peut être profonde et surtout c'est un art à part entier ! Non mais. Je ne tolère pas les mauvaises langues là dessus. Stop à la discrimination d'un pan entier de l'art moderne (et ancien aussi, mais le débat n'est pas là), tout art à des bonnes choses à nous apporter.

Et pour couper court aux protestations qui naissent sur les lèvres des mécréants anti-BD, je me permet de vous le démontrer avec un exemple évident : La course du rat, par Gérard Lauzier datant de 1978 (c'est un one-shot). Une BD malheureusement très méconnue mais qui ne le mérite pas. Enfin, on ne choisit jamais les succès.


Résumé en trois mots : Show-biz, Descente et Faux semblant

Qui le connait dans la salle ? Personne ? Et bien c'est parfait, en avant pour la découverte le sourire aux lèvres. Commençons par le commencement : qui est ce Lauzier que je cite depuis avant ? Et les gens qui médisent dans le fond sont priés d'aller discuter dans le couloir, merci. C'est du sérieux ici.



Donc Lauzier. C'est un homme (le prénom laissait peu de doutes, mais je tiens tout de même à le préciser) qui est né (ça on en est pas forcément sûr, cf David Calvo) en 1932. Il est malheureusement déjà décédé en 2008, pour le malheur du monde de la BD. Mais ce n'est pas là le propos.

Je tiens tout de même à signaler que cet homme était un bel adulte de trente-quatre ans lorsque mai 68 se déclencha. Si je le précise, c'est qu'il s'agit là d'un élément important pour la suite (là je fais appel à votre mémoire, j'espère que je ne vous en demande pas trop). Il a fait une licence de philosophie et architecture, puis ensuite fini dans le dessin de presse et la BD (parcours normal donc). Il reste également un très long temps au Brésil dans sa jeunesse, ce qui peut expliquer sa position sur la société française, avec un regard un peu plus externe.

En résumé, Lauzier est un personnage qui possède une culture philosophique, à voyagé (et s'est donc ouvert à de nouvelles cultures) et surtout qui à connu les années 60 et Mai 68. Son œuvre s'inscrit en droite ligne de tout ceci. Œuvre que nous allons voir immédiatement.



Comme précisé, Lauzier, c'est un philosophe. Mais c'est également un type acide, mordant, et passant la société au vitriol. Avant de penser plus en avant, cernons déjà le scénario. Celui-ci se concentre autour de Jérôme Ozendron, petit cadre moyen dans la trentaine, marié, trois enfants. Méprise les autres, pédant, certain de son génie et imbu de lui-même. Le type même du personnage horripilant.
Ce personnage (qui est un archétype que Lauzier reprend souvent, en le présentant comme l'homme des années 70) va rencontrer par hasard dans la rue un ancien camarade de classe qui est devenu acteur. Pas encore professionnel, mais qui baigne dans le monde du show-biz. Après une soirée assez remuante, Jérôme rentre chez lui et trouve sa vie minable en comparaison de tout ça. Coup de bol monstrueux, il est viré le lendemain. Il décide donc de faire une pause dans sa vie et de rédiger son livre qui le tient tant à cœur. Voici le pitch des 25 premières pages sur 60. Je ne spoil pas, car le propos n'est pas dans ces pages là, qui permettent juste de mettre en place tout ce qui va suivre.

Et en fait, Lauzier va ensuite s'amuser avec son personnage qui va subir à peu près tout ce qu'on peut faire vivre à un type qu'on aime pas. Je crois vraiment que Lauzier déteste son personnage, parce que lui faire subir ces trucs, c'est vicieux. En même temps, le personnage le mérite (je lui aurais mis des baffes pendant une bonne partie du récit), et je trouve que bien souvent il a provoqué son propre malheur. Mais curieusement, on en arrive très vite à le plaindre, à trouver que les autres sont presque cruels avec lui (même si lui est également cruel). Au final, c'est un personnage qu'on déteste, qu'on aime détester, mais qui est en même temps presque émouvant, surtout dans les dernières planches qui sont très chargées en émotion par rapport au reste, qui est clairement inscrit dans la satire humoristique. En clair, un personnage ambiguë.

Mais ce personnage central est entouré par d'autres portraits, et c'est là le véritable génie de Lauzier : il va peindre une galerie de "gueules", avec tout ce qu'on peut trouver comme image de la France post-68, entre pseudo-artistes, show-bis cruel, couples nouveaux, etc ... Les personnages n'ont qu'un point commun : l'ambition, pour laquelle ils sacrifient tout. D'ailleurs il ne faut pas que voir une critique du personnage principal, car ici tout le monde (ou presque) est un pourri, un vendu, une ordure. Il y a quelques exceptions, mais elles sont franchement noyées dans la masse. Il faut aussi souligner une sacrée critique sur la place de la femme : elle s'émancipe et l'homme n'arrive pas à suivre. C'est très jouissif comme revanche d'ailleurs.

Tout ceci donne lieu à une excellente œuvre qui va dénoncer la société des années 70, des situations qui évoluent par rapport au vieux système progressivement délaissé. Cependant, le propos est encore totalement d'actualité, comme quoi en quarante ans le progrès n'est pas forcément aussi efficace qu'on le pense. Et le monde du show-bis est encore exactement pareil, là c'est une évidence. Il faut d'ailleurs souligner le génie des deux dernières planches qui concluent l'album d'une façon extraordinaire. La morale qu'on en en tire est très intéressante et donne sacrément à réfléchir.


Par contre, la BD possède un défaut énorme : le graphisme. Tout (ou presque) est raté. C'est d'ailleurs saisissant quand on le lit, parce que le propos est fin, intelligent, drôle, mais le trait est grossir, moche, mal fait, presque bâclé. Les raisons sont multiples : le trait est affreux. Les lignes se croisent, tout est mal fait, les bulles empiètent partout, les personnages varient peu. La colorisation est moche, on dirait du Paint par un débutant, des effets lumineux quasiment nuls, des débordements fréquents. C'est vraiment pas beau. L'auteur réussit également un tour de force, en ne mettant jamais de précisions lorsque du temps à passé entre deux cases, ce qui fait qu'on a souvent du mal à comprendre l'enchainement, et il faut relire pour comprendre que du temps à passé. C'est vite pénible.

Mais le pire, et de loin, vient de l'agencement des phylactères* qui est anarchique à un point que c'en est difficile de lire. Les bulles se croisent en permanence, sans qu'on sache qui parle, dans quel ordre les lire, les mots dépassent (sur le coup j'en ai été choqué), les lettres sont parfois très serrées (on sent que l'auteur à tenté de faire tout tenir dans un espace trop étroit). Bref, c'est mal foutu, et c'est d'autant plus étonnant qu'il ne s'agit pas de la première BD de Lauzier, qui devrait donc avoir la main. Mais non. Du coup c'est très trèèès vite énervant à lire.

Et pourtant, tout ceci passe allègrement à la trappe par rapport au scénario et au propos, ce qui démontre par là sa force. L'humour caustique et grince-dent, qui nous fait rire jaune (voir pas rire du tout) va surmonter ces obstacles, et la lecture devient très vite plus fluide.
Je tiens également à souligner que, comme beaucoup d’œuvres du même auteur, le sexe prend une part très importante dans le récit, sous toutes ses formes. La libéralisation des mœurs est amusante à suivre, on sent la société qui se relâche, et c'est très intéressant d'établir un parallèle avec aujourd'hui. Mais ça, je vous laisse le découvrir par vous même.

Au final, nous avons donc une BD très moche, difficile à lire à cause de la mise en page, mais pour autant très intéressante sur le plan du scénario. Le propos est superbement bien développé, les situations sont très fines, le propos percute plus d'une fois, l'humour fait mouche, la conclusion est juste et la réflexion à la clé est des plus intéressante. Une BD plus philosophique, qu'on ne lit pas pour se détendre, mais qu'on savoure comme un grand cru de remue-méninge. La course du rat à de très bon atouts pour elle, et je pense qu'elle mérite une lecture, ne serait-ce que pour se faire son propre avis.

(Chronique n°2)

Dernier point, toujours intéressant : un film avec Christian Clavier en à été tiré en 1980, mais je ne l'ai pas vu, la lecture du livre m'a suffi. Si vous voulez le voir, la fiche Allociné est consultable ici. Le film a été renommé Je vais craquer.

* Phylactère : n. m. Dans une bande dessinée, synonyme de bulle (source : le Larousse)

Wonderful (David Calvo)

Comme le dit si bien le proverbe, "Il n'y a que le premier pas qui coute".

Lançons-nous donc joyeusement dans les récits les plus improbables, et commençons directement avec du lourd, du très lourd.


Résumé en trois mots : Lune, Rêve et Fin du monde
Wonderful, de David Calvo, un roman qui sent très fort les rêves et le fantastique.

Pour commencer de façon simple, je vous pose une simple question : Avez-vous lu Neverwhere ? Si oui, l'avez-vous aimé ? Si oui, alors ce roman est fait pour vous.

Sorti en 2001, Wonderful est un roman curieux et dérangé. A la fois fouillis incroyable et pourtant organisation au poil, délire et réalité mélangé, il est totalement inclassable. A l'image de l'auteur d'ailleurs, sur lequel très peu d'informations transparaissent. Je tiens tout de même à signaler que sa biographie sur Amazon varie selon les livres; et se trouve résumé sur l'un à "David Calvo a trente ans. Expert en chute libre, il ne vit plus nulle part." (ceux qui en doutent, cliquez !). Le peu d'informations qu'on obtient en croisant les sources permettent de dire que c'est un homme, qu'il est né dans les années 70 (et qu'il aurait par conséquent environ quarante ans actuellement), à Marseille ou à Los Angeles. Il écrit beaucoup avec Fabrice Colin apparemment, aurait peut-être des enfants ou peut-être pas, et des gouts très éclectiques (surtout en musique, mais nous y reviendrons).
Le peu d'informations que l'on trouve sur lui ont même données lieu à des explications tout à fait sensées telles que "David Calvo n'existe pas". En résumé, vous aurez compris que l'on ne sait pas très bien qui est l'auteur, et que l'aura de mystère autour de sa personnalité joue en sa faveur. D'ailleurs j'aimerais beaucoup le croiser en dédicace, ce type doit en valoir la peine je pense. Mais ce n'est là que mon avis (que je partage d'ailleurs).


Bref, vous avez compris, le lascar est rude gaillard, et nous allons devoir batailler ferme pour nous en sortir. Je vous alarme tout de suite, vous n'êtes pas au bout de vos peines. Le roman dépasse encore son auteur, et de très loin d'ailleurs.

Car Wonderful, c'est encore pire que tout. Imaginez votre réaction si je vous dis ceci : La lune va s'écraser sur la Terre, un film est recherché dans un Londres où des gens se croient à l'époque Victorienne et d'autres se prennent pour le marchand de sable, avec une radio Blue FM en fond sonore, une symphonie de planètes et Newton. Il y aurait alors fort à parier que vous me preniez pour un demeuré complet qui à assemblé des idées éparses n'ayant somme toute aucun rapport. Ce qui d'ailleurs n'est pas loin du compte. Car en fait, nous sommes devant un livre qui est très proche d'une décharge d'idées. Vous allez en avoir en vrac pendant un long moment, et c'est très dur de trouver la cohérence au premier coup d’œil. Le meilleur moyen pour arriver à contourner ce genre de problèmes, c'est tout simplement de lâcher prise. On ne se pose pas de questions, et on se laisse emporter par la folie de l'écrivain.

Enfin, folie .... Génie peut-être. Le synopsis est à la base tellement dingue qu'il tient autant du génie :
L'histoire va se dérouler uniquement dans la ville de Londres. Londres qui à pété un boulon d'ailleurs. En même temps il y a de quoi : c'est la fin du monde. Mais pas une de celle que l'on peut contrer. Non, ici, c'est la fin totale : la Lune se fragmente, elle meurt, et d'ici peu s'écrasera sur la Terre en détruisant tout. C'est la fin. This is the end auraient dit les Doors.
Et pourtant, les gens vivent encore en attendant la mort. Le docteur Loom notamment s'obstine à soigner des patients dans sa clinique. Mais il est confronté à plusieurs soucis : sa femme est dépressive (remarquez, ça se comprend) et des patients disparaissent mystérieusement. Et puis il y a un film, très convoité, qui attire des gens. Beaucoup de gens, et pas seulement des curieux.

J'ai essayé ici de résumer au maximum sans trop en dévoiler (car on en dévoile très vite trop). Le roman est très hallucinant, comme une sorte de rêve éveillé, avec des passages superbes, mais d'autres également angoissants. Je dirais que le roman est très onirique. On navigue dans des idées folles en permanence, mais si on se pose trop de questions, si on s'attarde, on est perdu. Car de l'imagination serait à revendre ici. Londres est totalement chamboulé, et des idées de génies prennent forme. On reconnait énormément de clin d’œil également, et beaucoup de parallèles peuvent être fait. Le plus gros (je pense) est celui avec Neverwhere, de Neil Gaiman (une chronique bientôt, promis), avec l'idée d'un Londres complètement différent; mais aussi dans certains personnages (notamment les deux détectives Floatsam et Jetsam qui ressemblent par certains côtés à Croup & Vandemar, tout en étant très différent). Pour autant, je ne pense pas qu'il s'agisse de littérature bis. C'est une œuvre pleine et entière, avec son propre monde.

Monde d'ailleurs qui mélange tout, tout en contenant beaucoup de poésie. En fait, au fur et à mesure de la lecture, on est happé par les mots, l'orchestration parfaite des chapitres (et des situations), par la tragédie sublime qu'on nous joue. Pour reprendre les mots d'une autre critique : "Jamais fin du monde n'aura été aussi belle". Les larmes et le rire se mêlent en permanence, pour notre plus grand bonheur.

Et au final, le rideau tombe gracieusement, sans faire mal. La fin est attendue, mais elle reste belle, superbe. En fermant le livre, j'avais une curieuse sensation, comme si le récit m'avait touché un point sensible, un de ceux que je ne connaissais pas mais que j'ai eu beaucoup de plaisir à sentir chatouillé. La relecture de ce livre me plonge d'ailleurs à chaque fois dans cette sensation, que je considère comme unique, et en même temps tellement belle.

Cependant, le récit n'est pas seulement sur papier. L'auteur s'amuse dans le livre à disséminer des pistes de musiques (de manière très subtile d'ailleurs). Lorsque vous prenez la peine de les écouter à la suite, vous constaterez qu'il vous donne une véritable playlist en plus de l'ouvrage, dans le ton du récit et soulignant les passages, contenant de véritables perles d'ailleurs (et pour la plupart je ne connaissais pas). Je vous laisse le plaisir de l'écouter par vous même (elle est disponible ici). C'est le genre de petit détail qui vous fait d'autant plus apprécier une œuvre.

En résumé, une œuvre très onirique, mélangeant des styles très divers, allant un peu dans toutes les directions, mais restant tout de même autour d'un même axe, elle saura combler les fans de lectures un peu en dehors des genres. Onirique et émotionnellement chargée, voir belle également, c'est une lecture qui procure des sensations, a ne pas faire juste pour se divertir et passer du temps. Elle ne laisse pas indifférent. A conseiller à tout les fans de Neverwhere de Neil Gaiman, mais aussi aux autres. 

(Chronique n°1)

vendredi 25 janvier 2013

Annonce n° 1

Annonce de la roulotte :

 Les règles du blog


Bien le bonsoir à toutes et à tous,

Avant d'entamer à proprement parler la rédaction des articles, je vais tenter d'expliquer ma politique de blog. Elle tient en un certain nombre de points :

  • Pas de critiques : Le principe de ce blog n'est pas de faire une critique de chacun des livres que je met, et pas de les noter non plus. Je vais au maximum éviter de descendre un livre ou d'en glorifier un. Je donnerais simplement mon avis et ce que j'ai aimé/détesté dedans.
  • Éclectisme : Je vais autant que possible m'efforcer de mettre des choses variées : autant pour adulte que pour enfant ou adolescents, des BD et des livres en proportion égales, des types différents, et des publications variées (récentes, classiques, dépassés)
  • Pas de notes : Dans le même ordre d'idée que l'absence de critiques, je ne mettrais jamais de notes par rapport aux livres. Je ne ferais pas non plus de classement
  • Juste mon avis : Je ne ferais pas de copier/coller d'avis externe, je ne donnerais que le mien. Par ailleurs, je mettrais peut-être un macaron pour indiquer un coup de cœur du moment, le changeant quand il le faudra, mais je ne mettrais pas plus.
  • Un avis à peu près complet : Je vais tenter de faire un avis complet à chaque fois, autant dans la présentation du livre que dans le résumé ou dans la biographie de l'auteur.
  • Pas de trop : Un avis long à lire, c'est chiant. Du coup je vais éviter au maximum d'en faire trop et me limiterais autant que possible.
  • Des résumés : A la fin de chaque avis, je mettrais un texte en gras qui le résumera. Si vous avez pas envie de lire le tout, il sera normalement suffisant pour se faire une idée.
  • Pas de spoil : Je ferais le minimum de spoil dans les critiques (dans certains cas, ils seront obligatoires), mais si il y en à, je le signalerais au début de l'article et juste avant le spoil.
  • Ouverture aux critiques : Là, c'est plus votre rôle, mais je vais essayer au maximum d'être ouvert aux critiques, donc n'hésitez pas à demander des modifications (avis plus poussé, moins poussé, des points en plus, une catégorie que vous souhaiteriez voir développer, etc ...)

Cette politique sera appliqué tout au long, le principe étant de vous donner un avis sur un livre et (souvent) de vous donner envie de le lire (que je l'ai aimé ou non). N'hésitez pas à passer par les commentaires pour me faire une critique (si possible constructive).
 Enfin je mettrais à chaque fois que possible de la musique en rapport avec l'article. Mais pas la peine de critiquer mes gouts musicaux (les gouts et les couleurs). Par contre si vous trouvez la musique inadaptée, n'hésitez pas : proposez la votre.

Et en attendant que la roulotte fasse son premier arrêt, passez une bonne soirée, et bonne lecture à tous.

Alfred LePingouin

Ouverture

En ce jour tranquille, la roulotte aux livres se met en route. Le véhicule en bois se meut lentement sur les routes de la France et de l'ailleurs. Et les villages succèderont aux villages, les villes aux villes, les paysages aux paysages. Seul restera identique la roulotte aux livres qui avancera doucement.

Et penché en avant, tirant la charge, je suis là. Je circule partout où je peux, la roulotte pleine de livres, les pieds vagabonds, la tête pleine. Je passe là où je peux, je lis tout le temps, je les stock tous dans la roulotte, et je vous propose mon avis dessus. Je ne vais rien noter, je ne vais rien conseiller. Je lirais juste et je vous donnerais mon avis. Vous en ferez ce que vous voulez.

Je lis de tout, autant de livres que de BD, des science-fiction que le classique, des livres pour enfants ou strictement pour adulte. Et j'espère de tout cœur que vous saurez me conseiller d'autres livres, merveilleux ou non, mais qui dans tout les cas vous auront plus et que j'aimerais également.

En attendant que la roulotte passe chez vous, je déclare le voyage entamé. Jusqu'à ce que le poids sera trop lourd à porter et que je m'arrête au bord du chemin, avec la roulotte pleine. Mais ce jour est encore loin.

Merci à vous d'être passé, et encore plus pour avoir lu ceci.

1, 2, 3 ... Ouverture

Alfred LePingouin