jeudi 28 février 2013

Annonce n° 4 : Les previews

Annonce de la roulotte




Inaugurons une nouvelle forme de la roulotte : je vous propose de temps à autres de petites bande-annonces de futur critiques qui vont arriver. Ces bandes-annonces sont faites autour de monuments de la littérature que normalement on ne présente plus. Je vous propose donc de découvrir une petite histoire mettant à chaque fois en scène la roulotte et qui vous donnera un aperçu de la critique que je posterais le jour suivant. Je ferais en sorte que le tout en soit pas trop long, afin de mettre juste l'eau à la bouche.
Voici la façon dont le système marchera : une preview écrite sur le site indique un article (sans doute conséquent) sur une grosse critique ou sur un ensemble de critiques tournant autour d'un même thèmes. Le thème réunira des œuvres diverses qui permettront de lier des ouvrages et ainsi d'établir des comparatifs. A titre d'exemple j'en ai commencée une sur Tolkien faisant quatre critiques et une sur la drogue faisant trois critiques (mais je devrais rajouter une BD).
Lorsque la preview est publiée, c'est l'indicateur que la critique paraitra le lendemain exactement (j'essaye de poster aux alentours de minuit à chaque fois).  Cette critique ne souffrira jamais de retard, elle est déjà écrite lorsque parait la preview. En revanche, je ne garantis rien sur un accident subit ou une panne de courant/internet (tout peut arriver).
Lorsque plusieurs critiques sur un même sujet paraitrons, ce sera encore une fois avec un jour d'intervalle entre toutes. Je posterais donc l'ensemble uniquement lorsque toutes les critiques seront finies. Je vous rassure, entre je continuerais mes chroniques normales, en essayant toujours d'alterner des chroniques sur des livres et sur des BD (et surtout d'avoir quelques chroniques d'avances pour les moments où je n'ai pas le temps ....).

Ces rubriques n'auront qu'un seul libellés (intitulés sobrement Preview) et disposeront, lorsqu'elle sera postée, d'un lien vers la/les chronique(s) correspondante(s). J'espère que ce système vous conviendra, tout comme j'espère avoir l'imagination assez fertile durant un temps suffisamment long pour vous en pondre des belles.

En attendant, je vais essayer de vous donner rendez-vous demain pour la première preview, mais je ne garantis rien du tout (je ne suis pas sur du rythme que je pourrais prendre). En attendant bonne lecture à tous !

mercredi 27 février 2013

Nous sommes tous mort (Lewis Trondheim & Jean-Luc Coudray)


Là, cette chronique sera particulière pour une BD. Déjà, je vais faire une introduction très courte, pour la présenter, mais ensuite je dois dire quelque chose : je ne mettrais pas d'extrait de l'album. La raison, vous la trouverez un poil plus bas. Je vous présente une des plus belle BD de philosophie :


Résumé en trois mots : Mort, Philosophie et Patate

Voila une BD qui .... en fait elle tient du génie. Et je suis gentil. Cette BD, c'est quelque chose d'unique et d'incroyable. Vraiment ! Vous n'en trouverez pas deux comme celle-là. Et cela tient dans plusieurs points.

Tout d'abord, le format. C'est la collection patte de mouche de l'association. Le tome fait 13.8 cm par 10. En clair il tient dans la paume de la main, en débordant un poil. Vous voyez, c'est très petit. Ensuite, il fait 24 pages seulement. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas mis d'image. La ce serait du spoil complet. Enfin, le prix est de 2.85 € ! Là, je pense que personne n'a de bonne excuse pour ne pas l'acheter. En deux ou trois jours, vous l'avez à disposition chez vous. C'est vraiment très peu cher, alors précipitez-vous dessus. Et ne le laissez plus jamais sortir de votre bibliothèque.

Ensuite, le sujet. C'est très simple, très court, très bref. De la philosophie. Dit comme ça, on ne pense pas trop que c'est intéressant. Ah, bande de sales petits lecteurs/lectrices droguées au BD de synthèses ! Vous ne savez pas de quoi vous parler. Cette BD, c'est presque un cours complète de philosophie (et qui rendrait d'ailleurs ceux de vos professeurs diablement plus intéressant). Vous ne pensez pas vraiment que c'est possible, j'en suis certain. Et pourtant, vous n'imaginez pas ce que c'est ! La BD va commencer d'une manière très simple. Un bonhomme en forme de patate avec deux bras et deux jambes est assis par terre. Une pierre se soulève, et un crane apparait -celui sur la couverture. Il lui demande "Bonjour, ça va ?". La patate répond "Non". "Pourquoi ?" demande le crane. La patate de répondre : "J'ai peur de mourir". Et le crane de rétorquer "Absurde !". Voila, vous avez lu la première page. Simple, non ? Et bien c'est le départ d'un dialogue de 24 pages à raisons de 4 cases maximum par cases. L'ensemble du texte tiendrait à mon avis en deux feuilles A4 au maximum. Et encore ...

Tout l'intérêt de la chose, c'est que le crane répliquera au fur et à mesure que la patate parle, trouvant toujours argument et contre-exemple aux doutes et aux interrogations du personnage. On comprend vite que ce personnage lambda est une représentation de n'importe qui et le crane une représentation de la mort. Mais nous avons le droit à des dialogues soignés et très juste. Ça frappe bien, fort et précisément. Rien n'est superflu (en même temps, avec 24 pages ....) et vous aurez une morale très intelligente. En fait tout le propos du livre est intelligent, mais fait bien réfléchir. C'est de la philosophie, mais de la bonne, de la haute philosophie. Après tout, a-t-on besoin vraiment de faire des études et d'écrire des romans de 300 pages pour être philosophe ? Je ne pense pas du tout. Mais là encore, ce n'est que mon avis, et je le partage. Pour moi ce petit texte est un recueil de philosophie au même titre que Le banquet de Platon. Mais je m'égare un poil.

En terme de dessin, nous avons de la très grosse pointure, puisqu'il s'agit non moins que du génial, du terrible, de l'excellent, du sublime Lewis Trondheim ! ..... Je sens que je viens de faire un bide là. Mais si, rappelez-vous ! L'auteur géniale de la bande-dessinée française, précurseur de l'OuBaPo, écrivain prolifique et géniale, précurseur de tant de choses, novateur de la BD, génie des planches, dessinateur fabuleux ! Celui qui à fait Lapinot, Donjon et de tant d'autres merveilles ! Celui qui vous fait des dessins qu'on qualifie d'enfantin mais qui sont d'un niveau inégalés ! Révisez vos classiques enfin !
Enfin bref, je dois dire une chose : ce personnage est une tuerie. Il va nous faire quelque chose de dingue. Si vous lisez la BD, vous avez le sentiment que tout à été bâclé, que c'est du dessin rapide, que rien n'est vraiment réfléchi. Eh oh ! Deux personnes pour pondre une petite BD de 24 pages, c'est pas parce qu'ils sont les deux fainéants ! Surtout pas Trondheim, quoi !
En fait, le dessin est extrêmement travaillé sans qu'on s'en rende compte. Le personnage patatoïde va fuir tout au long du dialogue, poursuivit par une mort qui ne cessera de grossir. Ce sont des détails subtil, mais tout à été prévu. Rien, absolument rien n'a été laissé au hasard. Le choix du décor, désertique et vide, des scènes, des cadrages, tout est calculé. C'est là qu'on voit le véritable génie de Trondheim, qui va nous faire quelque chose de superbe avec son trait vraiment curieux et sans superbe panache, mais toujours juste et précis. On ne dirait pas, mais Trondheim est un génie de la composition, des cadrages, de tout en fait. Je vous recommande ses autres lectures, que je vous détaillerais dans d'autres chroniques plus tard.

En résumé, nous avons une BD qui est certes très courte, mais parfaitement bien faite, d'un bout à l'autre, au dessin travaillé et sans hasard, aux dialogues percutant et à la philosophie intelligente. Elle s'offre très très facilement, rentre dans la poche, et en plus est quasiment donnée au niveau du prix. Pour une telle somme, c'est vraiment le summum de ce qu'on pourrait attendre. Je pense que c'est également une des meilleurs BD de philosophie, qui ne cherche pas à s'étendre, et surtout surprend dans son propos. Un mus-have dans son genre, qui vaut son pesant de gros sel. A lire, à acheter, à faire découvrir. Plongez les yeux fermés.

(Chronique n°18)

jeudi 21 février 2013

Coraline (Neil Gaiman)


Ce roman, je l'ai acquis dans des circonstances bien particulières, il faut l'avouer. J'avais pris pour trente euros de littérature, mais en réalité, j'avais pour 25€ tout pile. Ne voulant pas rester avec 5 euros inutiles, j'ai cherché quel livre pourrait convenir, et j'ai trouvé celui-ci, d'un auteur dont j'avais bien aimé un autre livre et qui paraissait bien. Du coup je l'ai pris et j'ai décidé de le lire un soir rapidement, l'ensemble ne faisant quasiment pas plus de 100 pages. Et le résultat final ? Et bien je vais vous le donner. Vous êtes prêt ? Attention, voila Coraline de Neil Gaiman !


Résumé en trois mots : Autre monde, Enfant et Peurs

Je viens de finir de le lire, c'est donc une lecture toute fraiche qui débarque. Alors déjà, je précise que ce roman s'adresse tout de même plus à un public jeune qu'à des adultes, même si ceux-ci peuvent également le lire. Et j'ajouterais qu'il ne faut pas prendre des gens trop jeunes non plus pour le lire, sachant qu'il s'agit d'un roman qui peut sembler un peu sombre tout de même. Mais il reste accessible à tout le monde. A partir de dix ans, quelque chose dans ces eaux là.

Donc c'est un petit conte pour enfants âgés et adulte, écrit durant l'année 2002. C'est un conte résolument moderne d'ailleurs, avec ce qu'on lit dans la forme. Le fond par contre reste plus intemporel, et le message est de même valeur qu'un des anciens contes (ceux de Perrault en particulier).

Ensuite, je dois dire que pour mon second Neil Gaiman, j'ai toujours autant apprécié (je ferais un portrait de lui avec la chronique sur Neverwhere qui ne devrait plus trop tarder. Je dois réunir d'abord une donnée manquante). Le récit est très différent, et en même temps comporte de nombreuses similitudes.
Pour commencer, j'ai beaucoup aimé le caractère de base de la fillette, qui est un peu tête brulée, pas trop princesse, mais en même temps accepte de discuter avec des personnes âgées, possède de la ressource et peut avoir facilement peur. Je dirais que ça fait rudement plaisir d'avoir enfin une fillette qui semble parfaitement crédible dans un roman. Souvent elles me semblent stéréotypées. En plus, nous avons une fillette qui se comportera comme une fille de son âge. En clair, pas de réflexion adulte dans le corps d'un enfant. C'est une fille jeune, elle le reste dans ses propos. De ce côté là, c'est tout bon, de A à Z.

Pour les autres personnages, rien d'extraordinaire non plus, et c'est encore une fois ce qui est bon. Que des gens normaux, classiques. Une famille ordinaire et simple, un chat qui est tel qu'on peut s'imaginer les chats, sympathique mais tellement plein d'auto-suffisance. Un peu hautain, mais en même temps qui craint également ce qui est dangereux. Je l'ai beaucoup aimé.

Après, l'histoire est simple et suit une trame classique d'un conte, avec la découverte d'un monde fabuleux, qui se révèle en fait pas si fabuleux que ça, et finalement on comprend que notre monde de départ n'est pas si moche que ça. C'est très intéressant, parce que j'ai trouvé que la morale allait à l'encontre de celle de Neverwhere, mais c'est en même temps complémentaire. Le monde réel à ses bons côtés, mais aussi ses mauvais. La mise en parallèle des deux est très intéressante je pense.

Sinon, je dois dire que j'ai aimé l'inventivité dans le récit. C'est classique, mais j'ai eu tout de même plusieurs surprises, notamment à la fin, avec deux-trois rebondissements que je ne soupçonnais pas. Le final est d'ailleurs très intéressant, laissant planer le soupçon que tout n'est pas fini à jamais. Je l'ai trouvé ingénieux.


En définitif -oui, j'ai changé la formule de fin- nous avons le droit à un conte pour enfant bien fichu et assez intelligent. C'est un peu noir, comme Les yeux du dragon de Stephen King, mais accessible et suffisamment bien tourné pour ne pas filer des cauchemars sans fin. Les personnages sont amusants et bien campés, le monde est très bien imaginé et la fin surprenante. On a en plus le droit à une morale classique mais efficace. Le but visé est atteint, c'est une excellente chose. Je pense que la lecture convient bien à des jeunes gens mais aussi à des fans de Gaiman.

(Chronique n°17)

mercredi 20 février 2013

Notes (Boulet)

Parlons peu, parlons bien. Parlons de tout ! Je vous propose d'aborder une autre série de BD que j'adore. Parlons d'un magnifique fourre-tout qui est également un des piliers de la culture BD actuelle, bien qu'il s'agisse d'une BD très récente et souvent décriée. Vous voyez de quoi je veux parler ? Mais des blogs-bd bien évidemment ! Une forme très récente de média qui a connu une expansion dynamique incroyable et qui a des dérives tellement spécifiques qu'elles sont impossible à publier (turbomédia entre autres). Et si l'on parle de Blog-bd, il y a quelques dieux qu'il faut connaitre. Là je vous propose le Zeus, le Jupiter, le grand des grands, celui qui règne sans partage depuis à présent 7 ans (ou plus) sur le monde des blogs de la bande-dessinée, le saint des saints, dont les notes publiées attirent des centaines de milliers de visiteurs. Je vous parle d'une bête d'internet, d'un dieu géant de la blogosphère, d'une légende vivante, d'un monstre du gag. Je vous parle, de BOULET !



Boulet, c'est un homme qui dans la vraie vie s'appelle Gilles Roussel. Il vit à Paris, mais a fait son enfance dans la campagne française (je sais plus où exactement, c'est dans la Bourgogne). En juillet 2004, il lance son blog sur le net, qui deviendra vite un blog connu et actuellement le plus visité de tout les blogs-BD de France et de Navarre. La fréquentation moyenne dépasse la dizaine de milliers chaque jour et frôle des statistiques hallucinantes dans les jours où il poste.
Son blog, nommé sobrement bouletcorp, est également un des meilleurs de la toile je pense. Il y fait des gags en quelques planches, de temps en temps des strips, des illustrations, des fan-arts, des trucs dans l'actualité, des parodies, des fond d'écran selon une série ... Bref, il y en a pour absolument tout les gouts. Et lorsque tout cela à commencé à être publié, au éditions shampooing, en 2008 (pour info, c'est Trondheim qui dirige cette collection). Il a publié à ce jour 7 tomes (aux noms excellent : Born to be a larve, Le petit théâtre de la rue, La viande c'est la force, Songes est mensonges, Quelques instants avant la fin du monde, Debout mes globules, Formicapunk) et un huitième est en préparation, mais dans un style un peu particulier. Je détaillerais de toute façons les tomes plus loin. Cependant, il faut savoir que 80 % du contenu des tomes est disponible gratuitement sur le net, en cliquant sur le lien du blog, section archives. Vous en avez pour plusieurs heures de lectures (voir jours) je pense, amusez-vous bien. Ca vaut largement le détour.


Donc Boulet, c'est Gilles Roussel. Il est jeune, fringuant, dessinateur de BD (entre autres et de mémoire : La rubrique scientifique, Le Mya, Ragnarock) notamment en colaborant pendant des années pour la revue Tcho ! (celle qui est d'ailleurs actuellement finie). Son blog commencé en 2004 est une plateforme de dessins qu'il avait envie de faire, et qui ont bien vite plu à une large majorité de la population. La preuve avec sa fréquentation.

Ce blog, c'est un peu un gros foutoir, passez-moi l'expression. Il n'y a rien de construit, pas de liant, pas de continuité entre les notes. Boulet va se représenter en avatar particuluer dedans, mais pas dans toute les notes. Il y fait des métaphores autour de son métier, mais pas partout. Il donne des anecdotes de sa vie, mais pas tout le temps. Il philosophe, ou fait de l'humour, du sérieux, des dédicaces à des gens en particulier, mais sinon fait un peu ce qui lui plait. La plupart du temps, c'est du quotidien, de l'anecdote banale mais tellement bien tournée qu'on lit avec un grand plaisir. Et tout ceci se retrouve en album.
Déjà, parlons du dessin. Là, c'est problématique. Je veux dire : prenez un dessinateur qui sait dessiner quasiment tout (sauf les chevaux, dit-il), et qui dessine sur une période de 7 ans, parfois rapidement en torchant un truc, parfois en faisant une note à la peinture, décorée et détaillé. Imaginez le résultat final. En fait nous avons le droit à une explosion de styles, mangas/comics/gros nez, parodie, satirique, onirique, sérieux. Du classe, du moins classe, du simple, du détaillé, du noir et blanc, du coloré, du flashy, du pixelart ... Même si ces derniers temps il se cantonne plus à un style particulier de dessin, il l'a bien fait évoluer. Cependant, il faut reconnaitre une adéquation quasiment parfaite avec le propos. C'est toujours bien en rapport, et parfois on se rend compte également d'une inspiration.

D'ailleurs, la compilation en albums à laissé des pages sur le côté (évidemment), notamment celles de fan-art (ou la plupart), ainsi que des pages plus tournée illustration. De même, sur le net, il a maintenant développé la technique du bonus. En cliquant sur "Commentaire", on a le droit à une case, parfois deux ou trois (mais rarement), toujours humoristiques, qui sont en rapport direct avec la BD. Ces petits/gros plus sont perdus dans la version papier. C'est dommage.
Autre reproche : le format. Le passage à une édition au format réduit à conduit à rendre certaines BD qui étaient déjà petites presque illisible. Une autre, très sombre, est quasiment illisible également en version papier. Là je dois dire qu'on est déçu.


Mais maintenant que les défauts sont fait, passons au qualités. Je dois d'abord souligner l'excellent travail fourni. En effet, lorsque le blog est accessible directement sur le net sans payer, pourquoi acheter des albums ? Et bien c'est très simple. Déjà, il y a du bonus. Plusieurs planches en plus. Ensuite, c'est toujours sympa d'avoir une petite BD plutôt que de devoir allumer le PC. Et on le prête plus facilement, c'est plus sympa. Enfin, les planches en plus sont d'un intérêt tout particulier. Nous avons des planches qui commentent les autres. C'est assez amusant, puisque les tomes se concentrent autour d'un sujet en particulier : le 1 sur le passage du blog au papier, le deux va expliquer les séances de dédicaces d'un festival, le 3 présente sa conception du carnivore, le 4 sa vision des rêves, le 5 parle de la fin du monde, le 6 de biologie et des corps, le 7 est axé autour de la science-fiction, des autres univers et tout ce bazar.
Je dois dire que Boulet s'améliore également beaucoup au fur et à mesure des tomes, avec une fin pour le premier qui est sympathique, mais en faisant ensuite de plus en plus de fin bien trouvé, et très belles. J'ai beaucoup aimé ses apports.

Boulet, comme dit, touche à tout. Mais ce qui est amusant, c'est sa façon de faire de la philosophie du quotidien. Je dois dire que beaucoup de réflexions que je me pose actuellement viennent de lui et de son point de vue. J'ai énormément appris en philosophie avec cette BD, qui est bien évidemment plus axée humour à la base. C'est tout dire.
Et surtout, j'ai trouvé qu'il soulevait beaucoup de bonnes questions. En partant du quotidien, on arrive au sens de la vie. Une façon surprenante, très loin des discours pompeux et chiants de 200 pages qui vous demandent un dictionnaire à la troisième ligne pour comprendre les termes. Là c'est du simple, du direct, mais en même temps du très réfléchi dirait-on. Ou peut-être que Boulet est simplement un génie. Je vous laisse choisir.

En fait, le gros défaut que je trouve à cet ensemble, c'est tout simplement l'humour. Il est très bon et me fait éclater de rire à chaque fois, mais j'ai presque l'impression que Boulet se réfugie souvent dans l'humour au lieu de faire quelque chose de vraiment sérieux. Les notes vraiment sérieuses qu'il a fait se comptent sur les doigts d'une main, et c'est presque dommage car elles contiennent pas mal de très bonnes idées. Tempérer tout le côté humoristique avec des notes un peu plus graves et sérieuses aurait à mon avis été tout à fait bénéfique. Mais c'est un choix, et je le respecte. Cependant, je crois que Boulet aurait
largement matière à faire des romans graphiques sérieux, et il se limite à l'humour. C'est peut-être une fuite, l'humour servant souvent d'écran, mais je ne m'avancerais pas à dire ça. Cependant, je respecte son choix.

Donc, au final, les Notes de Boulet sont quoi exactement ? Une exposition commentée des notes du blog, dirai-je. Une belle présentation de tout son travail sur le net durant les 7 années d'expositions, avec des petits traits d'esprit et d'humour quotidien, sans grandes questions métaphysiques, mais pourtant qui touchent à tout les grands sujets de la vie lorsqu'on les rassemble. Comme un gigantesque puzzle qui ne révèle son dessin que lorsqu'on est presque au bout. Le dessin est au gout de tout le monde, les notes sont diverses et variées, et leur principe permet de lire une petite partie, tout d'un coup ou simplement une page rapidement. C'est au choix du lecteur. Une excellente façon d'aborder les blogs-BD, en commençant par le maitre. On comprend vite son statut si on lit tout les livres.

(Chronique n°16)

dimanche 17 février 2013

Lettres d'amour d'un soldat de 20 ans (Jacques Higelin)


Si je vous parle de livres de chevet, voyez-vous ce que c'est ? C'est ces livres qu'on a tellement aimé qu'ils trônent fièrement sur notre côté de lit, à portée de main, là où l'on sait qu'ils peuvent être attrapés et relu en permanence. Je pense que tout le monde a un ou deux livres qui trainent là-dessus, utilisés dans les moments opportuns, ceux qu'on connait par cœur à force de les relire, qu'on savoure à nouveau lorsqu'on a un petit moment ou simplement l'envie. Ce sont des livres usés, au pages cornés, qui ont vécus, mais qui sentent toujours une odeur familière, dont les pages nous sont tellement belles. L'attachement à ce livre est souvent inexpliqué, on l'aime sans trop savoir pourquoi. Il est juste là, dans votre cœur et près de votre main.
Vous connaissez ce genre de situation peut-être. Vous avez aussi sans doute un chouchou qui traine dans un coin, bien à l'abri, que vous prêtez uniquement en étant absolument sur de le revoir, que vous rachèterez immédiatement si vous le perdez. Vous connaissez ? Fort bien. Parce que c'est de ce genre de livre dont je vais vous parler maintenant. Un livre qui est tellement beau que j'en suis encore à présent tout ému en le lisant. Je l'ai sur ma table de chevet, il est relu au moins une fois par mois, et m'inspire énormément.
Ce livre est d'autant plus particulier qu'il est d'une forme et d'une conception inattendu, et d'un auteur qui n'en est pas un, puisqu'il n'écrivit jamais de livre, et surtout qu'il n'a publié que ce livre là à ce jour. Ce qui semblerait logique, puisqu'il n'est pas auteur. Pas un auteur de littérature, s'entend. Un auteur de texte. C'est très différent.

Résumé en trois mots : Vie, Beauté et Dynamisme

Cet ouvrage est très particulier. Tout d'abord, c'est un roman épistolaire. Et non, ce n'est pas un roman. Pas dans le sens où on l'entend habituellement. Ca y est, je m'embrouille à la deuxième ligne. Bon, clarifions la chose : c'est un recueil de lettre. Qui forme un roman. Euh, non, une histoire complète. Enfin, presque. Ça forme une histoire quoi. Et d'ailleurs on s'en fout de l'histoire. .... Je ne suis pas très clair là. Bon, essayons de présenter la chose autrement.
En fait, je dirais volontiers que c'est de la poésie. Mais là je vous embrouille d'avantage, c'est certain. Parlons de l'ouvrage. Déjà, qu'est-ce que c'est ? Des lettres. Je pense que tout le monde avait compris, mais ce sont des lettres. Plein de lettres. Écrites par Jacques Higelin. Voila, on progresse.
Jacques Higelin les a écrites durant son service militaire de deux ans, dont une partie en Allemagne et une autre en Algérie. C'est donc une aventure s'étalant sur deux ans que nous lisons, avec toute les péripéties qu'elles peuvent contenir. Et encore ... Jacques Higelin les a adressées à son amour du moment, une femme dont le nom est tue, mais qu'il surnomme Pipouche. Un petit nom tendre et affectueux, tandis que lui s'en colle plusieurs. Le livre fait 250 pages, avec des gros trous dans la chronologie. De fait, les lettres donnent un semblant d'histoire, mais en fait on n'a pas vraiment de récit au jour le jour. Ce sont des lettres d'amour, pas un journal des aventures. Le service militaire, nous ne le verrons presque pas. Encore une fois, ce sera surtout l'émotion qui prime.
Les lettres sont écrites entre 1960 et 1962, mais le roman est édité seulement en 1987, lorsque la femme à qui les lettres sont adressées à remis ces lettres à Higelin. Vingt-cinq ans après. Pourquoi, je ne sais pas, mais j'aurais bien aimé le savoir. Sans doute que vingt-cinq ans après, ces lettres la touchaient-elles autant. Une façon de montrer ce que leur amour a été. Ou de le rappeler. Je ne sais pas ....


Au fait, vous connaissez Higelin ? Non ? Mais si, celui qui chantait cette fameuse chanson : Tombé du ciel ! Vous savez "Tombé du ciel, à travers les nuages, quel heureux présage pour un aiguilleur du ciel ....". Higelin, c'est un chanteur français qui m'a fait souvent rêver avec ses chansons un peu déjantés, souvent humoristiques, parfois sérieuses, des fois tristes, presque toujours remplie d'une émotion. Son CD est juste extraordinaire, mais Alertez les bébés, Caviar pour tous et Champagne pour les autres sont également des merveilles avec les chansons La croisade des enfants, Champagne, Le Minimum ou encore J'suis qu'un grain de poussière. Tiens, je pense que je vais le réécouter durant la rédaction de cette chronique. Le temps de trouver le CD .... Et voila, c'est parti !

Alors je précis que je trouve que Jacques Higelin est un véritable poète dans plus d'une œuvre. Et pourtant, ce n'est pas un chanteur que j'écoutais souvent. J'ai surtout découvert avec ce livre, et j'ai ensuite apprécié ses œuvres musicales qui renferment elles aussi des trésors de langues. Car Higelin aime à manier la langue. Une langue que nous connaissons tous bien si vous me lisez : le français.
En effet, Higelin va prendre la plume et écrire à sa fiancée des lettres d'amour d'une beauté pour l'instant inégalée dans mon répertoire de livre à ma disposition. Je dois dire que c'est tellement marquant pour moi qu'il est devenu ma référence en la matière. Je me dis toujours que le jour où je saurais écrire à la fille que j'aime des phrases et des lettres aussi belles que celles que j'ai déjà lu ici, je pourrais être véritablement heureux de mes écrits.
En fait, les lettres sont très curieuses. Ne commençant pas forcément par un bonjour ou une formule classique, se concluant à chaque fois par une autre manière, toujours dans une beauté incroyable, nous avons le droit à tout un panel de lettres, jalouse, colérique, amoureuse, inquiète, blasée, etc ... Les deux dernières étant les plus belles je pense. Elles sont écrites à la fin de son service militaire, lorsqu'il apprend que leur relation est finie. L'avant-dernière est belle, mais la dernière est sublime. Il est déjà au courant que c'est fini, sait qu'il ne faut plus rien attendre, mais écrit une lettre en réponse à une que la fille lui à écrite. Et là, nous avons un aperçu de ce que la langue peut être belle. Elle est juste sublime, autant dans la forme que dans le fond, et les derniers mots de la lettre forment une conclusion parfaite.

Ce qui est parfaitement sidérant, c'est qu'on aurait presque l'impression que les lettres ont été écrites pour un livre, mais en fait non. C'est vraiment des lettres personnelles, qui s'adaptent totalement au livre. D'ailleurs elles sont toutes fraiches, spontanées, très belles et remplies d'émotions. La façon d'écrire en plus est très prenante et nous prend à la gorge, les émotions traversent sans aucun souci. J'ai été largement contaminé.
Pour vous donner un exemple de ce que j'appelle la beauté de la chose, voila quelques extraits piochés au hasard. Ils sont à chaque fois à la fin de la lettre. C'est beau :

      "Vous m'avez réappris la fraicheur d'aimer"
"Je t'aime, tu es belle, tu es vie.
J'existe pour et par toi"
      "Je vous sens très fort près de moi
      et nous nous aimons"
Je ne sais pas pour vous, mais moi je trouve cette façon de faire juste magnifique. Beaucoup comparent les textes du recueil à des poèmes de Baudelaire. Personnellement je n'ai jamais lu de Baudelaire, mais je serais d'accord avec ce qu'on dit généralement de lui et de ces textes.
Ce qui ressort également, c'est la vie de Higelin. Il aime la vie, il aime la musique, il aime cette fille, et tout cela ressort à travers les pages. C'est un dynamisme incroyable, un torrent d'énergie qui traverse les pages et nous irradie. Les lettres ne sont absolument pas nostalgique, mélancolique ou dépressive. On est dans l'éclatant, dans le rayonnant, dans quelque chose qui bouge et qui donne envie de danser, d'un bout à l'autre. C'est vivant, éclatant de vie comme un beau jour d'été, le soleil rayonnant, il fait chaud et le piano qui joue en arrière-plan. (pour ce paragraphe j'ai écouté cette chanson, ce qui explique la teneur. Mais il reste vrai !);


En clair, le livre est un livre d'amour, mais à mille lieux d'un truc cul-cul et gnangnan. C'est plein de vie, rayonnant d'amour, à l'image de sa musique. Une belle histoire d'amour, mais également un amour pour tout le reste, et spécialement pour la musique. Jacques Higelin tel que nous le connaissons apparait dans ces lignes, le personnage se dessine s'affirme. Nous avons le droit à des scènes superbes, des citations extraordinaires, et une fin en apothéose. Je dirais qu'il s'agit du plus beau livre d'amour qu'il m'ait été donné de lire dans ma vie. Un must-have, et plus encore. A tout ceux qui aiment quelqu'un et qui veulent savoir comment écrire quelque chose de beau à son attention, prenez-en de la graine !

(Chronique n°15)

Allez, pour finir, voici l'introduction du livre :
"Un soir, vous êtes passé. On s'est assis l'un en face de l'autre ... Vous étiez sombre. Vous disiez les choses sans les dire. J'essayais de comprendre vos demi-mots. Je vous écoutais, je souhaitais être la complice de vos tourments, celle à qui on dit tout, celle qu'on rencontre l'espace d'un instant, à qui on crache sa vie dans l'espoir qu'elle entendra.
Peut-être n'étiez-vous pas venu pour parler, vous aviez seulement besoin d'aller mieux, d'être ailleurs. J'avais envie de vous voir sourire, de vous lire une histoire, une histoire vraie, écrite et racontée par vous, par nous, de vous laisser venir, de vous laisser entrer dans ce jardin secret où j'ai gardé vos lettres, là où le temps s'est arrêté"...
Pipouche

vendredi 15 février 2013

La Nuit (Philippe Druillet)


Là, nous abordons une partie qui va poser un peu problème. Ce livre étant pour moi ce qu'on peut appeler une sorte de coup de cœur, c'est très dur d'en parler objectivement. Je vais donc essayer d'en faire néanmoins la critique autant que possible. Ce qui d'ailleurs ne sera pas très dur. Pourtant, qu'est-ce que cette BD est belle ! Une œuvre comme ça, on en trouve pas deux fois dans une vie. Alors partons ensemble dans La Nuit de Philippe Druillet, celle qui commença pour lui à Ivry en 1976, lors d'un tragique événement.


Résumé en trois mots : Violence, science-fiction et Space Opéra

Je crois que je suis tombé sur cette BD complètement par hasard sur le site BDthèque, et j'ai remarqué que c'était du Druillet. Au début je n'ai pas pensé grand chose, remarquant juste que la couverture avait un petit je-ne-sais-quoi qui m'attirait. Ensuite j'ai cliqué sur l'onglet "Résumé". Là j'ai lu l'introduction que Druillet à rédigé à l'intérieur de l'ouvrage. A cet instant, je me suis certifié que je lirais la BD. Peu de temps après je me suis rendu à Illzach pour le festival de BDciné, et je me suis rendu dans les BD d'occasion. Et que ne trouve-je pas ? Cette BD. Je l'achète immédiatement, sachant qu'on la trouve plutôt difficilement (Druillet est apparemment plutôt rare en librairie) et je le prend dans mon sac. Arrivé à la maison je la dévore en même temps que plein d'autres production que j'ai acheté ce jour-là et je la trouve superbe, remarquable, touchant un point sensible. Je la relis après, et décide de lui attribuer la note maximum sur le site. Je n'y touche plus beaucoup ensuite, mais je la garde en mémoire, et je la relis encore de temps à autre.

Cette BD, c'est très particulier. Déjà, elle s'ouvre sur une introduction qui m'a laissé sans voix. Je crois bien que je n'ai plus jamais lu une introduction à la hauteur de celle-ci, que ce soit dans un livre ou dans une BD. Je vous la posterais tout à la fin de la critique afin que vous puissiez vous faire une idée. Mais avant cela, voyons déjà de quoi cette BD parle. Ce qui ne va franchement pas être simple.

Voici la femme de Druillet, Nicole
Pour faire court, Druillet à écrit cette BD très vite, publiée en un an, après la mort de sa femme, décédée d'un cancer en 1975. Druillet a exorcisé sa peine et sa douleur dans cette BD. Du coup, les émotions sont à fleur de peau et j'ai trouvé que toutes passaient sans aucune difficulté entre la BD et le lecteur.
Le dessin de Druillet est très particulier, et Gotlib le parodiait assez cruellement dans son dernier tome des Rubriques-à-brac. Druillet fait des dessins que vous pouvez regarder à la loupe. C'est incroyable, mais les détails sont vraiment pointu, avec des arrières plans riches, des couleurs flashy qui rappellent un trip sous LSD, et un coup de crayon très singulier qui lui est bien propre. Je vous laisse pour cela admire la galerie que j'ai mis dans l'article, afin de vous donner une idée.


L'histoire de La Nuit de Druillet ne peut pas être comprise sans son contexte, que je vous ai dit juste avant.
Et en fait, toute l'histoire en elle même est très obscure. Nous suivons les péripéties d'un groupe de personnes qui s'apparentent à des junkies dans une ville post-apocalyptique, ceux-ci s'appelant Les lions, dirigés par Heintz, jeune leader. Ils sont en lutte contre des hommes en noir appelés les crânes, et sont aussi adeptes de machines futuriste (une moto volante notamment). Ils doivent se réfugier sous terre suite à des intempéries curieuses, font face à d'autres gangs, et recherchent quelque chose qu'ils appellent La dope et qui se trouve au dépôt bleu. Nous n'en saurons jamais vraiment plus : qu'est-ce que le dépôt bleu, la dope, les crânes ? Pourquoi devoir prendre de la dope, pourquoi ces luttes ? Pourquoi l'aube est-elle mortelle ? Pourquoi tout ce monde qui ne peut survivre tout seul ?

 En fait la BD est complètement métaphorique. De ce que je pense, tout est une image d'un corps qui se meurt, et du combat interne entre le corps et les cellules cancéreuses. J'avoue ne pas avoir saisi exactement qui est quoi, mais je pense que les crânes sont le cancer, les groupes sont des cellules du corps (ce qui explique d'ailleurs la scène où l'une explose quand l'autre la touche), la ville est le corps, et le dépôt bleu ... Je ne sais pas. En fait, la BD donne, selon moi, le combat qu'a menée sa femme avant de mourir, comme si le corps était dépecé et qu'on observait l'intérieur. Ce sentiment est renforcé par la fin, même si là encore, tout ne me semble pas très clair. Cependant, des passages semblent évident, et l'incrustation de photos par Druillet renforce franchement ce sentiment. L'ode à la mort dont la BD se trouve souvent qualifié est assez justifié à mon sens. Elle rayonne, cette mort, dans toute les pages, et la survie est une question de chaque instant.

Comme souligné, le dessin est superbe. mais en plus, la composition des cases est vraiment incroyable. Je parlais au début de tripe sous LSD, et bien c'est exactement ça. Des planches en grand format qui vous en mettent vraiment plein la vue dans tout les sens, ça pète le feu de partout, l’œil est sollicité partout, les détails accumulés sont incroyable. Et pourtant, rien n'est laissé au hasard. Plein de petites choses sont pensées sans qu'on les aperçoive, excepté lors de la cinquantième relecture. Et parfois, des pages vont carrément être en double page, mais vous demandant d'inverser le sens du livre. C'est vraiment curieux au beau milieu de la BD, mais c'est remarquable de force, et poignant.

Car oui, le récit est très poignant. Les personnages sont justes de brutes épaisses qui luttent tout le temps dans un monde sauvage et brutal, mais c'est également un personnage principal qui se pose des questions. Il se demande le sens de tout ça, il a peur, il est dans une impasse. Et la course finale est sublime, sur des pages éclatantes, la découverte du dépôt bleu, la façon de mettre en scène. Et que dire de la danse sur Brown Sugar, c'est sublime de vie. Car si c'est une ode à la mort, la BD respire la vie, qui se bat tout le temps, jusqu'au bout, jusqu'au moment où l'espoir est vaincu, mais qui reste jusqu’à la toute fin et disparait avec tout le reste. Une véritable ode à la vie également.



Au final, cette œuvre de science-fiction est très surprenante, surtout qu'elle ne se classe pas uniquement là dedans. C'est une BD emplie d'émotions également, très prenante, qui extériorise la mort d'un être cher, et qui peut nous faire comprendre cette douleur tout autant qu'un récit intimiste. C'est également une œuvre graphique remarquable, qui nous offre tant de détails qu'on en fait jamais totalement le tour. Songez que cette BD est sortie en à peine un an et contemplez ensuite chaque cases, chaque planche. Druillet nous livre une BD d'une force et d'une forme toutes deux grandes et belle. La réedition de 2000 est d'ailleurs sublime, avec des pages d'une taille appréciable. Je ne saurais que trop vous conseiller de la lire, sans forcément l'acheter, pour avoir une idée de ce que peut être une grande BD sur la mort. Une belle BD également. Une BD qui marque.




La fameuse introduction du livre, afin que vous puissiez vous faire une idée de ce que c'est :



A Nicole, ma femme, mon amie…
Et à la mort qui est venue.
Quelques mots, pour mon époque qui est moche, et je suis gentil !
… à l’année 1975, l’année de la femme qui a tué la mienne et tant d’autres avec elle…
…à la médecine pourvoyeuse de la mort, la médecine des mecs, ma médecine du fric, celle de Curie et d’ailleurs. CANCER, mal terrible, plus terrible encore entre leurs mains car on en meurt, STATISTIQUEMENT ! c’est la formule. OUI ! Je vous accuse, bouchers stupides, CONS à la blouse blanche et au verbe haut, jongleurs de vies qui vous prenez pour Dieu, alors que l’on vous demande d’être des hommes et de nous traiter comme tels !
Connards assermentés vers qui l’on va avec confiance, c’est à en pleurer !

 … à ce monde que nous n’avons pas fait et qui nous assassine. O mes aînés, je vous HAIS !
… à la mort que l’on nous cache ici, en « OCCIDENT », parce qu’elle fait peur, parce qu’elle fait réfléchir, parce qu’elle n’est pas rentable ; sauf pour certains.
Société d’immortels vous puez la charogne !
… à sa bague, que je porte à mon doigt, à notre amour toujours présent, bien qu’elle s’en soit allée, elle qui ne voulait pas.
…à la patience, aujourd’hui durement apprise.
…à toi lecteur, que j’emmerde avec ces maigres mots, mais si tu aimes nos images, car nous sommes deux dedans, hier et demain, alors tourne la page le reste te concerne aussi, cadavre latent.
…eh bien, à la patience encore
et au temps
et à la révolte !
Siècle des « LUMIÈRES » si nous voulons vivre mieux, apprenons enfin la mort, moi qui l’ai tenue dans mes bras j’en tremble encore…
Tous hurlons ensemble
Et battons-nous !
…mais après tout, sommes-nous vraiment d’ici ? alors attendons l’instant de la sublime aventure…
Cadavres futurs, tenez-vous prêts et attachez vos ceintures !
…j’apprends à aimer la mort….. j’ai du goût.

Philippe Druillet
Livry, 1976

jeudi 14 février 2013

Annonce n° 3 : les challenges

Annonce de la roulotte


Comme vous l'avez peut-être remarqué, il y a de nouveaux gadgets dans la colonne de droite. En effet, j'ai proposé à la roulotte de participer à des défis, elle qui les aime tant. C'est pourquoi je me suis lancé pour l'instant dans trois défis littéraires. Lesquels ? Et bien, je vais détailler !



Comme annoncé, j'aime beaucoup Stephen King, mais je n'ai pas encore tout lu de lui (en particulier les derniers livres qui sont sortis). J'ai donc le plaisir de participer au challenge proposé par le bouquinovore qui me propose de lire plusieurs Stephen King durant l'année selon plusieurs catégories. Bien évidemment je me suis proposé dans la catégorie la plus élevée possible, c'est à dire dépasser les 7 lectures de Stephen King. Si j'avais de l'argent, ce serait fait en 2 semaines. Hélas je suis pauvre, et du coup je ne pourrais pas les lire tous.
Petite précision : pour ce challenge, il faut bel et bien commenter des livres qu'on a pas encore lu. Pour ma part, j'en ai donc beaucoup qui passeront dans ce blog mais que j'ai déjà lu bien avant. Ils ne compteront donc pas, bien évidemment. Pour que ce soit plus clair, je mettrais un macaron avec l'image dans la chronique pour faire comprendre qu'il s'agit d'une critique qui rentre dans le cadre du challenge.

Pour ma part, je vise l'objectif de lire les titres suivants : La tempête du siècle, Chantier, Histoires de Lisey, La clé des vents, Dôme (deux tomes), Juste avant le crépuscule, Duma Key, Rose Mader, Rage, Charlie, les Tommyknockers, La part des ténèbres, Danse macabre, Jessie, Les régulateurs, Rêve et cauchemars, Minuit 4 (et relire Minuit 2), Dolores Claiborne, Colorado Kid et enfin Roadmaster. Je crois qu'avec cette sélection, je rentre dans la catégorie. Le tout avant le 31 décembre, ça va de soi. Avec ça, normalement j'ai enfin lu tout les Stephen King. Absolument tous. Nous avons donc un total de 20 livres à lire dont 3 en ma possession. Largement jouable.




Ce challenge, c'est plus par plaisir que pour le défi. Étant donné que quelqu'un me prête en ce moment plusieurs séries de livres, j'ai encore plusieurs lectures de fantasy devant moi. Je suis donc en bonne voie pour remplir également les catégories de ce défi là. Je pense pour l'instant lire Le cycle de Lyonesse, Conan le barbare, Le meilleur des mondes, Le cycle d'Elric, et plusieurs autres encore. Je n'ai pas de liste arrêtée. Pour l'instant on compte donc 8 livres (3 pour le cycle, 3 pour l'ensemble des Conan, 1 pour Elric en intégrale). Jouable aussi avant le 31 aout 2014.


Le dernier qui propose de lire tout ces fameux romans cultes qu'on a pas encore lu. Pour ma part, je pense lire les suivants : Le meilleur des mondes, L’attrape-cœurs (ne pas confondre avec L’arrache-cœur de Boris Vian), Le Journal d’Anne Frank (oui, je ne l'ai pas encore lu), American Psycho, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, La conjuration des imbéciles (prochain achat), Lolita (meilleur que le film, semble-t-il), Sa majesté des mouches (prochain achat aussi), UbikJonathan Livingston le Goéland (j'aime beaucoup la BO), Contes de la folie ordinaire (le titre me plait bien), Pourquoi j’ai mangé mon père, Le Nom de la rose, 2001 l'odyssée de l'espace, Dracula (Bram Stoker, évidemment), La planète des singes, et Les liaisons dangereuses. Donc un total de 17 livres (Le meilleur des mondes est déjà cité dans le challenge précédent). Faisable avant la date limite du 15 décembre 2014.


Au total, tout ces challenges me proposent donc de lire pour l'instant 45 livres différents dans l'année ou un peu plus. Soit en moyenne 5 livres par mois (un peu moins), sans compter les autres livres que je lis pour me détendre entre. Ce qui est de l'ordre du plus que raisonnable, donc je pense relever la tête haute les 3 challenges pour l'instant. Je tenterais peut-être d'autres l'année prochaine. Et si jamais vous voyez des livres à me conseiller pour le challenge Lieux imaginaires, merci de me les proposer !
En attendant, je vous donne rendez-vous demain pour une critique sur une bonne BD, et bonne lecture !

Running Man (Stephen King)


A présent, passons au deuxième Stephen King ! Le maitre est de retour ....

A titre purement personnel, j'adore Stephen King. Je trouve que ce type à une façon d'écrire juste extraordinaire, avec une belle plume, des histoires prenantes, haletantes, plusieurs fois des réflexions pas dénudées d'intérêt et en plus des croisements entre histoires qui sont tout à fait remarquables. Et pourtant, Stephen King n'est pas la meilleure partie de lui même. Car en chacun de nous sommeille un être différents et qui ne demande qu'à s'exprimer. Lui l'a fait, il l'a laissé sortir. Et c'est un être incroyablement cruel, pervers, et retords qui en sortir. Encore pire que l'original. Sa production littéraire compta quelques romans seulement, le temps qu'il meure. Mais le mal était en route. Et voici ce qui en sortit.


Contemplez cette couverture. Admirez la mise en scène, la façon de présenter le tout. Un personnage anonyme de dos. Il regarde des écrans. Plein d'écrans, qui sont tous alignés devant lui. Et sur ceux-ci, rien de spécial. Des gens, des rues, des passages. La vie normale. Et quelqu'un qui surveille tout cela. Une horreur, n'est-ce pas ?

Stephen King ne fut pas le seul écrivain à exploiter son corps. Durant quelques années, un être nommée Richard Bachman fut crée. Il était écrivain, mais dans des genres auquels Stephen King n'était pas habitué. On le voyait notamment faire de la science-fiction, des critiques de société, ou encore pire ..... des romans juste noirs. Sans fantastique. De quoi défriser un habitué du maitre de l'horreur.

Et pourtant, cet être (qui vécu entre 1977 et 1985, officiellement décédé d'un cancer du pseudonyme ....) écrivit parmi les pires ouvrages de Stephen King. Les plus sombres, les plus torturés, mais également les meilleurs émanant du génie du mal américain. En voici pour preuve l'un des meilleurs exemples. L'un des meilleurs romans d'anticipation qui soit, une claque incroyable dans la gueule. Un de ceux qui vous plongent dans une lecture tellement angoissante et prenante que vous ne ressortirez de là que sur les genoux, vidés, le livre dévoré d'une traite. Ne le commencez pas avant de dormir, vous ferez une nuit blanche. Ne le lisez pas en étant déprimé, vous en feriez un suicide. Durant la lecture, bannissez le téléphone portable, débranchez la sonnette et assurez-vous que votre frère/sœur/conjoint ne vous fera pas une surprise en traitre dans le dos. Vous pourriez faire un arrêt cardiaque qui serait sans doute néfaste pour votre santé. Je certifie que dans cette lecture, vous ne pouvez pas décoller. Il faut suivre le tempo, le compteur n'est pas arrêté un seul instant. Vous êtes bien installé ? Attachez vos ceintures, la descente sera brutale, l'arrivée mortelle. Vous êtes prévenus. Maintenant, osez tourner la page.

Voila comment je qualifierais ce livre : une torture. Non pas qu'il est difficile à lire. Au contraire, il est d'une simplicité déconcertante en rapport avec le propos. On ne se creuse pas la cervelle, pas d'énigme à résoudre, pas de grand secret à protéger, de société secrète à découvrir. Ici, tout est au grand jour. Et c'est peut-être le pire .....
L'anticipation, vous vous en rappelez ? Et bien, ici c'est curieusement proche. En fait, une bonne part des excellents romans d'anticipation ont été écrits dans les années 50 et jusqu'au années 80. Du coup, lorsque nous arrivons à la période 2013, nous sommes dans ces années qu'ils qualifiaient déjà de futur pour eux. Une sorte d'aperçu de ce que notre monde aurait pu devenir. De ce que notre monde est devenu, peut-être. Après tout, comment en être sur ? Plongeons dans le roman pour le savoir.

Le livre est découpé en 101 chapitres, et l'ensemble de l'ouvrage fait exactement 310 pages. Les chapitres commencent tous par le même titre : "Compte à rebours ...". Le premier est noté 100, le dernier 000. Je vous assure une chose : lorsque vous commencez, vous n'imaginez pas à quel point la lecture sera de plus en plus rapide. Je vous assure. Vous décollez comme au cinéma, rivé sur votre siège. Impossible de descendre, l'appareil est en marche. La télé crache ses pubs de merde, ses jeux à la con, et vous a aspiré dans ses cathodes. Alors, on n'aime plus ?
Le futur. Premier quart des années 2000. C'est loin lorsqu'on est dans les années 80. C'est près lorsqu'on est en 2013. Et pour l'instant, il ne semble pas avoir tort. Nous sommes dans une ville. Une grande ville de la côte est américaine. Co-Op City. Bienvenue dans le monde de demain. Vous n'avez pas le temps de visiter, il faut avancer, tout va très vite.
Voici le héros. Ou tout au moins l'homme que vous suivrez durant votre séjour. Ben Richard. Un nom très ordinaire pour un type banal. Un de ces hommes comme il en existe des milliers dans toute la ville. Ouvrier, marié, un enfant, une situation à peu près stable. Un Libertel, la télé de demain, comme c'est obligatoire dans tout les foyers. Que peut-on rêver de plus ?
Il est pauvre, sa femme aussi. Ils ont une fille. Elle est jeune. Elle est tombé malade. Il faut la soigner. Mais les moyens manquent. Alors Ben Richard va aller là où se trouve l'argent qu'on distribue aux gens pauvres. Là où se passe tout ce qui intéresse ces masses pauvres des HLM de demain : la tour de jeu. Là où sont filmés ces jeux qui peuvent tuer les concurrents lorsqu'il le faut. Ça fait de l'audimat, c'est bon pour le chiffre. C'est ça l'avenir. Et Ben Richard y va. Attention, c'est parti. Vous avez fini le premier chapitre.

Et le voila qui est dans la tour. La sélection, tout se passe bien. Il est dans le grand jeu, le best-of, là où les risques et les gains sont les meilleurs. Le pire du pire, le nec plus ultra. La grand traque. Durant 30 jours, toutes les polices du monde, touts les habitants de la planète le pourchasseront. Il n'a nul échappatoire. Et s'il résiste, si il a tenu durant le mois complet, alors c'est le jackpot. Un milliard de nouveaux dollars. Sinon, la mort. On ne réchappe pas aux Chasseurs. Le compte à rebours continue.


Si je vous présente les choses de cette manière, c'est pour que vous compreniez la situation. Tout va aller vite. Les phrases raccourcissent, pas de descriptions, peu de dialogues. L'action avant tout, c'est ce qui fait l'audimat. Et bien malgré nous, nous allons suivre le jeu sur l'écran des pages. Cours Ben Richard, cours ! Tu peux échapper aux Chasseurs, tu peux échapper au monde, mais tu n'échapperas pas à notre regard. Nous suivons ta course. Tu es traqué par le lecteur avant tout le reste.
Et durant la traque, la fuite change de visage. Les dessous du monde sont révélés. Les cartes s'abattent, l'ennemi à un carré d'as. Comment le battre ? En connaissant les dessous du jeu, en sortant une suite royale à cœur ou à pique. En comprenant l'envers du monde. Et c'est ce que fera le lecteur. Avec Ben Richard, il comprendra ce qui se joue derrière. Tout n'est pas clair, et les points obscurs le sont pour une bonne raison. Des choses horribles se déroulent derrière, attention à la chute en découvrant le précipice. Car l'avenir est sombre, des injustices, des horreurs sociales, des déshérités et des riches à en crever. Oui, le monde est moche. Mais est-ce l'avenir, est-ce le présent ? Tout ressemble à ce que nous connaissons déjà. Qui nous dit que tout n'est pas arrivé ? Il semblerait qu'effectivement le jeu ai commencé dans la vraie vie également. Comment s'en sortir ?

Et dans un final éclatant, dans une apothéose grandiose qui fait retentir du Carmena Burana dans vos oreilles,  vous sentez que vous avez compris toute l'horreur d'un tel monde, qui semble pourtant si proche. Il est lointain dans le début, mais au fur et à mesure que vous continuez, vous vous rendez compte que vous êtes dedans, vous êtes représenté à un moment ou à un autre. La société d'aujourd'hui est déjà passé au vitriol, elle est présentée sous son jour le plus affreux. On voudrait que ça cesse, mais le bouton pause n'existe pas dans ce livre. Vous irez de l'avant, que vous le vouliez ou non. Jusqu'à la fin du compte à rebours. Là, vous aurez véritablement fini. Et tout s'arrêtera.

Lorsque vous avez ce livre en main, considérez que vous tenez un tube de nitroglycérine. En le laissant intact, sans le toucher, au fond du tiroir, il n'y aura aucun dommage. En l'agitant dans sa main, les conséquences sont néfastes pour la santé. Mais en l'utilisant avec prudence, au bon endroit, il peut servir à creuser un passage dans la roche, à relier plusieurs points qu'on ne pensait pas existants. Il faut le lire, mais attention à son rythme. Pas de temps mort, on ne respire plus. C'est une apnée de quelques heures, qui vous laisse pantois sur le rebord. Vous avez mal au cœur, vous saignez en dedans. La violence dégagé fait mouche, mais elle sait frapper juste. Elle réveille. Et ce n'est pas un mal que d'ouvrir les yeux sur certaines choses de la vie.

(Chronique n°13)

mercredi 13 février 2013

Les rameaux de Salicorne (Pierre-Yves Gabrion)


Là, je pense sincèrement que je vous ai tous perdu avec cette BD. Je n'ai pas tort ? Eh ! J'en veux pour preuve que le gros site de bande-dessinée du net, manga-sanctuary (si, vous savez, celui où vous allez consulter la prochaine sortie du Naruto qui sera de toute façon en vitrine le jour même) ne connaissait pas la BD avant cette année ! (j'en sais quelque chose, c'est moi qui lui ai dit de le rajouter). Le site Bédéthèque n'a qu'une seule critique dessus ! Et pourtant .... Je vais vous en parler, vous comprendre. Ah oui, je précise que j'ai eu huit heures se sommeil sur trois jours. Il se peut que des coquilles se glissent dans la chronique. Je vous rassure, je ferais une relecture lorsque j'aurais hiberné les seize heures de rattrapages nécessaire.


Résumé en trois mots : Légendes, Enfance et Fées

Donc, la BD est très peu connue, c'est parfaitement certain, et a été écrite en 1998 par Pierre-Yves Gabriel. Ce type peut sembler très louche : il n'a pas de page Wikipédia. Par contre il a un Facebook ! Nous voila sauvé !
Ceci dit, je vous dirais juste que c'est un homme, dessinateur de bande-dessinée, qui n'est est pas là à sa première BD. C'est plus exactement sa troisième. Mais de quelle BD parlons-nous donc ? Je vais vous l'expliquer immédiatement (je sais, c'est de la transition de dingue. Mon cerveau crie grâce).

Donc nous avons là une BD qui va traiter de ... De quoi au fait ? De la Bretagne. Un petit village perdu, éloigné de tout. Dans ce village, nous sommes au début du XXème, ou fin XIXème. La différence importe peu. C'était le temps où tout était encore sans machine, sans rien. Mais ce n'est pas un beau monde, un monde pur. Cela, nous le découvrirons progressivement.
Dans ce village, vit un petit être nommée La Mouche. Son père a disparu à sa naissance, sans qu'il ne l'ai jamais connu, et sa mère est une truie acariâtre qui traine dans la maison, malade et aigrie. Il est aimé et aime la petite Julie. Elle est belle et douce, de son âge également. Et il est rejeté par tout le village, sans trop savoir pourquoi. Il aimerait que son père revienne.
Dans ce village également, une cérémonie bien particulière existe encore. La cérémonie des cadets. Durant la nuit des Rameaux, tout les hommes du village de plus de quatorze ans partent à travers la lande et durant toute la nuit cherchent la fée. Celle-ci, dit-on, à le pouvoir d'exaucer le vœu de l'homme au cœur le plus pur qui traversera la lande. Celui qui la voit devient un héros. Cependant, il n'y a pas eu de héros dans le village depuis quatorze ans. Depuis la disparition du père de La Mouche ...
Et cette année, La Mouche à quatorze ans. Il est prêt à aller avec les hommes à la recherche de la fée, son béret près de lui. Car il est sur d'une chose : la fée, il la verra. C'est lui le seul homme au cœur pur du village, ce ne peut pas être ces personnes qui le rejettent continuellement. Et avec Julie, ils ont déjà tout préparés. La nuit va arriver.
Mais la nuit des Rameaux est remplie de mystères. Le village est mystérieux, très mystérieux. Et beaucoup de choses ne sont pas dites. Rien ne sort de la nuit des Rameaux, et les secrets sont peut-être très cruels ...

Après la lecture de ce résumé, je suis sur que vous voyez le déroulement de l'histoire. Hein ? Ne niez pas, vous aussi vous vous attendez à une histoire classique de fantastique, de quelques secrets et de méchants manichéens, n'est-ce-pas ? Et pourtant, je dois dire que cette BD fait très fort. Elle est très courte, faisant au total à peine 64 pages. Et dans ces pages là, l'histoire va vous sidérer. En fait, contrairement à ce qu'on peut penser, il y a une réflexion et une surprise de taille qui nous attends, et le sujet de la BD au final est très différent de ce à quoi je m'attendais au départ.
En fait, la BD est très déroutante, car la trame qui commence tellement classique dévie progressivement, jusqu'à atteindre la planche qui vous cloue sur place, sans que vous compreniez vraiment. Et là, c'est le temps des explications. De quoi ouvrir des grands yeux tellement c'est bien fait. Et puis, une conclusion. Très brève. Deux ou trois pages. Plus une fin qui vous laisse rempli de questions.
En fait, lorsque j'ai lu la BD la première fois, j'avais une interprétation. Puis en la relisant, j'en ai trouvé une autre qui changeait complètement l'idée. Tout à coup la fin était heureuse. Et puis je l'ai fait lire à mon petit frère. Il a aussi pensé à une fin triste en premier. Mais lui pense que c'est la vraie. Moi j'avoue ne pas savoir. La fin est suffisamment ambiguë pour nous laisser à loisir de quoi méditer. Je ne vous dévoilerais bien évidemment rien (si vous voulez le savoir, demandez là moi et je vous la prête), mais c'est un sujet de controverse.

Ensuite, que rajouter à la BD ? Un très bon dessin. Il est direct, clair, efficace. La colorisation par-dessus est très belle également, et l'auteur nous a d'ailleurs pondu des "gueules", une belle palette de bretons début du siècle. C'est assez amusant de voir ces gens qui sont pour la plupart assez moche, mais en même temps ils sont très réalistes.
Et puis le découpage est fluide, la narration également. Très peu de texte, tout est dans les attitudes, les mots. Beaucoup de non dit également. Et l'auteur à glissé une très belle typographie de lettres pour le texte-off. Je sais, c'est franchement un détail, mais j'ai vraiment beaucoup aimé. Le coup des cartes de tarot au début rajoute un petit charme mais je n'ai pas trouvé le coup extraordinaire. Ca reste toutefois une belle idée.
Ensuite, je dois dire que la BD arrive à éviter très brillamment le piège du manichéisme primaire, en faisant des personnages de A à Z qui ne sont pas très beau intérieurement. Les secrets de la nuit des Rameaux ne sont pas beau. En fait, le seul personnage candide reste jusqu'à la fin Julie, qui à d'ailleurs une belle valeur symbolique. Mais là encore, je ne vous en dis pas plus.

En terme de critique, j'avoue que je ne trouve pas grand chose. L'un des reproche récurrents est l'impression que l'auteur aurait pu allonger le récit facilement de dix pages. La contrainte des 64 pages n'altère pas la qualité de l’œuvre (ce qui est très bien également), mais j'ai eu l'impression parfois qu'il y aurait eu manière à étaler un peu plus. Bon, quand la viande est sans graisse, on ne va pas le reprocher, pas vrai ? Là nous avons du dégraissé complet, pas une case de trop, tout est juste au bon endroit au bon moment. Après le dessin n'est pas d'égal qualité pour toute les cases, mais il faut s'attarder dessus pour le remarquer, et on ne s'attarde pas vraiment. Ce n'est pas du Patrick Prugne. Même s'il reste bien fait.

En conclusion, nous avons une œuvre qui se classe difficilement, laissant le choix au lecteur d’interpréter le tout et avec une idée qui est franchement géniale. La surprise sera au rendez-vous, mais de façon intelligente, avec des passages très émouvants en même temps. On croirait de la BD commerciale classique, et on se retrouve hors des sentiers battus. C'est un vrai plaisir à lire, et en plus c'est un tome unique qui nous est proposé, avec une belle conclusion. Tout les ingrédients pour un excellent moment de BD. Le seul gros inconvénient est que l’œuvre n'est que très peu disponible (occasion et Internet) mais elle mérite d'être lue. Et en soirée BD, ça fait son petit effet de sortir qu'on l'a lu.

(Chronique n°12)

lundi 11 février 2013

Papillon (Henri Charrière)

Rah, je sais pourtant bien que je dois conserver quelques articles d'avances. L'idéal serait d'en faire trois ou quatre le week-end et de les poster durant la semaine. Là j'en ai uniquement deux en réserve, et je ne peux pas encore les poster (l'un est de Stephen King, du coup j'attends la chronique n° 13 pour la mettre) et je n'ai toujours pas de chronique BD en avance. C'est très énervant. Donc pour m'aérer l'esprit des lumières qui dissertent contre le curé (oui, un exposé est en préparation pour mercredi) je vous propose une petite chronique qui va nous aérer l'esprit. C'est bon, vous êtes bien attaché ? Alors allons-y ! Dépaysement total, allons voyager dans le temps et l'espace. Cap sur l'île du diable, sur Cayenne et les îles du salut, et le début du siècle !


Résumé en trois mots : Bagne, Cavale et Aventures

Ah, ce genre de livre, ça fait remonter des souvenirs ... Une belle époque, où je découvrais innocent la collection de livres de mes parents. Une époque superbe. L'époque où insouciant et gaiement on se jetait sur les pavés de 691 pages et qu'on le finissait en deux jours. Aujourd'hui ce serait fait dans la journée ... Alalal, la lenteur de ces jeunes ...

Papillon fut un énorme succès, en France et ailleurs, mon exemplaire de 1976 titrant "7 millions d'exemplaires vendus dans le monde". C'est un succès modeste à l'heure actuelle, mais un énorme succès pour l'époque. Et pourtant, aujourd'hui il est très peu connu, beaucoup moins en tout cas que le film qui en a été tiré, ce qui est encore une fois partiellement stupide, mais bon ... En tout cas, plongeons-nous dans cette aventure qui va vous faire virevolter et tournoyer à une vitesse incroyable!

Alors cette fois-ci, pas de présentation de l'auteur, car il est lié à l’œuvre de façon presque autobiographique. Je vais expliquer le tout :

Le livre présent Henri Charrière, en 1931, alors qu'il est arrêté et condamné pour un crime dont il se déclare innocent (mais pour lequel il n'apporte aucune preuve). C'était un petit délinquant, accusé d'un meurtre, qui à déjà été condamné plusieurs fois, et il est envoyé dans ce qui se fait de pire au monde : Cayenne. Le récit commence donc dès la sortie du procès et va raconter la façon dont Henri Charrière va vivre ses années au bagne, condamné à perpétuité et tentant systématiquement de s'évader. Treize ans durant, il errera sur le chemin de la pourriture (c'est l'appellation du bagne). Mais comment cela s'organise-t-il ?

Et bien en fait, vous le saurez en lisant ce livre, où le personnage va se démener comme un beau diable pour tenter par tout moyen de s'évader de la prison, se faisant ami et ennemi, rattrapé, condamné à la Royale (une prison dans la prison pour punir les personnes coupables de crimes au bagne, et qui tuait très fortement les gens). Mais également, vous aurez un détail de la vie au bagne, du fonctionnement entre prisonnier, entre gourbi (grosso modo clan/groupe de bagnards), matons (gardien) et michetons, porte-clefs, surin (couteau) et autres joyeuseté d'une vie trépidante. La jungle, les indiens, les perles, les espagnols et bien d'autres choses en dehors du bagne, lorsqu'on s'est évadé. Car oui, s'évader, franchir le mur, c'est bien beau. Mais ensuite ? Car il faut trouver un pays d'accueil, retravailler, trouver une famille, refaire sa vie. Sa dernière cavale est à la page 559. Vous remarquerez qu'il doit encore faire 130 pages avant d'avoir une situation stable. En clair, c'est long !

Et pourtant, on ne s'ennuie pas une seule seconde. Il y a plusieurs raisons à cela, déjà parce que le style d'écriture est vraiment taillé pour l'aventure qui est contée : vif, direct, très rapide, tourné de belle manière, il est exactement adapté au style de l'aventure tel que le récit ici. Car oui, le récit est une aventure de A à Z. Si c'était un film, ce serait Indiana Jones, une BD, ça serait Corto Maltesse : rebondissement, aventures en tout genre, paysages inconnus, lieux variés, rencontres incroyables ... Tout est millimétré pour que la lecture soit fluide. Des passages plus calme son disséminés, avec des passages plus prenants, de l'aventure réelle, et le tout est fluide et homogène. Tout semble s'enchainer parfaitement logiquement.

Enfin, dernière qualité et non des moindres : le contenu du récit. Car vous allez apprendre de nombreuses choses, outre le fonctionnement du bagne. Ainsi nous verrons la situation géopolitique de l'Amérique du Sud, la façon de naviguer, la réception des événements d'Europe dans ces endroits là, ainsi que beaucoup de petites choses toujours intéressantes. Une vraie mine pour quelqu'un de curieux.
Le récit est coupé en cahier, apparemment il aurait rédigé le tout sur des cahiers scolaires. Le découpage me semble cependant trop beau pour être vrai, et je soupçonne plutôt une redécoupe ensuite, mais bon. Ce n'est pas le principal.

Passons dès à présent aux critiques. Car ce roman peut être bien critiqué !

Déjà, sur le fond. Car si ce roman semble autobiographique, il ne l'est pas. Enfin, pas totalement. En fait, Henri Charrière n'a pas vécu tout ce qu'il raconte, et s'accapare des récits d'autres bagnards (qu'il a côtoyé) et les mêles au sien. Cependant, il faut souligner que c'est fait de façon si habile que vous ne le sauriez pas si personne ne vous le disait. C'est remarquablement bien fait dans le genre, et sacrément efficace. Je n'ai su ça que des années après et j'ai été franchement surpris.
Ensuite, il faut aussi noter que Papillon à tendance à se présenter comme un modèle du genre : droit, noble, vertueux, sans tache, plein d'honneur etc ... Petit rappel : c'est un truand de base qui est accusé de crime. Qu'il l'ai commis ou non, il était déjà truand avant. Ensuite, la façon de présenter les choses est sacrément biaisée : les gentils, c'est les taulards, les méchants bien souvent les gaffes (gardes). Et puis Papillon arrive à parler avec tout le monde, s'entend bien avec tout le monde, calme le jeu entre gens, est bien considéré, se dresse presque en chef des bagnards ... Là encore, c'est très orienté comme vision, et je pense clairement que c'est assez faux. Mais comment s'en assurer ? En fait le mieux serait de lire la biographie de l'écrivain qu'il a fait plus tard, une vraie cette fois-ci, avec la vérité (bon, je suis en Histoire, je ne crois pas que la vérité existe, NDE). Mais si vous le lisez, faites attention, l'auteur vous incline à une certaine vision, et c'est très franchement visible.

Cependant, Papillon reste avant tout un excellent divertissement, remarquablement bien écrit, avec une aventure palpitante, pleine de rebondissements, qui vont vous enchanter pendant des heures de lectures, également vous révolter contre le système carcérale, et pas que français. Il faut bien garder à l'esprit que l'auteur est loin d'être neutre dans ses propos, mais il sait mener son spectateur, et le tout est un excellent spectacle. Aussi bon qu'un grand film de divertissement. Et en plus, vous apprendrez beaucoup de choses, ce qui est toujours très sympathique. Dernier point intéressant : le prix, puisque vous le trouvez en format de poche. C'est donc une excellente lecture, très fluide et très simple, qui ravira pour un bon temps le lecteur.

(Chronique n°11)

dimanche 10 février 2013

Presque (Manu Larcenet)


Pour la dixième chronique, j'ai décidé de marquer le coup. Je ferais sans doute pareil avec la vingtième, la cinquantième et la centième (qui est déjà rédigée d'ailleurs. Mais je la garde au chaud). Donc pour l'occasion, parlons d'une petite BD qui m'a particulièrement marquée, notamment pour mon engagement personnel et ma façon de voir les choses. C'est donc peut-être un peu plus polémique, mais en tout cas je vous promet que je ferais tout mon possible pour ne pas faire de pamphlet virulent, et je resterais courtois et poli, promis. Par contre, je parlerais plus longuement de l'auteur et de ses livres, car c'est une bête de la scène actuelle de la bande-dessinée française. Et même de la bande-dessinée en générale en fait. Je crois bien que nous avons là un des nouveaux Dieux de la BD. Ce n'est pas de l’exagération que de dire ça, ce bonhomme est vraiment dément dans son genre, une masse de BD qui vous prend au cœur, mais également aux zygomatiques. Un auteur également très intéressant à découvrir, en parallèle de son œuvre. C'est pourquoi aujourd'hui nous accueillons le grand Manu Larcenent et son œuvre Presque !


Résumé en trois mots : Armée, Traumatisme et Poésie

Ah, Manu Larcenet .... Vous en entendrez encore souvent parler, c'est certain. Il fait partie de ces auteurs qui vont apparaitre plus d'une fois sur le blog. C'est bien simple : Larcenet marque de son empreinte la bande-dessinée moderne. Plus de vingts ans de services, et encore du jus sous la pédale. Incroyable ...

Déjà, qui est Manu Larcenet ? C'est une auteur très sympathique nommée plus exactement Emmanuel Larcenet, un dessinateur né en 1969 du côté de Paris. Il démarre dans la bande-dessinée en 1995 en collaborant avec Fluide Glaciale, puis en créant Les rêveurs, une maison d'édition avec un collège : Nicolas Lebedel. C'est au sein de cette maison d'édition qu'il publiera plusieurs de ses albums, notamment Presque, Ex Abrupto, ou Dallas Cow-boy.
Il collabore avec Trondheim (un autre grand nom qu'il faut retenir) sur la série Donjon (une autre série qu'il faut retenir). Entre 2003 et 2008 il publie chez Dargaud sa fameuse série Le combat ordinaire  avant de se lancer dans la série Blast en 2009, série qu'il est encore en train de rédiger à l'heure actuelle (il en est au tome 4, le 3 est sorti le 5 octobre dernier).

Cet auteur, au-delà d'une biographie classique, est un auteur ancré dans son époque et qui s'attache à en faire ressortir ce qu'il y ressent. Dans de nombreux albums il exploitera des thèmes qui lui sont chers, et il se met bien souvent lui-même en scène pour ses livres les plus intimistes.

Dans ses sujets de prédilections, nous avons notamment la relation au père et sa mort, les conflits internes autour de très nombreux sujets, ses crises d'angoisses, la photographie (il est un grand amateur de cet art), la paternité, la place de l'artiste à la fois dans la société et dans le monde, ainsi que d'autres (relation à l'autorité, retraite du monde etc ...). Ces sujets sont développés selon plusieurs points de vue, que j'aborderais plus longuement dans une chronique sur Le combat ordinaire. Pour aujourd'hui, nous nous contenterons d'un récit intimiste et personnel, sur une période de sa vie qui ne fut pas facile et qui l'a marqué profondément. L’œuvre est curieuse d'ailleurs puisqu'elle va osciller entre deux tons, mais je vous explique tout cela par la suite.


Donc, Presque est une BD qui va traiter de son passage sous les drapeaux, en clair son propre service militaire. Je précise déjà quelques petites choses en rapport avec mon ressenti vis-à-vis de l'ouvrage. Je n'ai pas connu le service militaire, étant trop jeune pour cela. Je n'ai eu droit qu'à la journée d'appel à la défense, journée chiante au possible mais qui était nécessaire. Ensuite, mon père n'a pas fait le service, et je n'ai jamais eu vraiment d'échos de la part de mes oncles (même si l'un dit que c'était une période très sympathique de sa vie). En clair, je ne connaissais pas grand-chose au système de fonctionnement du service, et c'est en toute insouciance et en toute gaité de cœur que je me suis penché sur cet ouvrage que je n'ai lu que pour avoir vu qu'il s'agissait d'un immanquable de mon site de BD préféré, BDtheque.
Déjà, regardez moi ce trait. Regardez le bien. N'est-il pas superbe en noir et blanc, avec des jeux d'ombres uniquement, sans contour précis, avec des taches qui semblent s'éparpiller partout sans ordre logique. Et pourtant, le dessin est très précis, et loin d'être brouillon. Il est sombre, torturé, propre à un récit intimiste. Mais ce dessin n'est pas seul, il y aura une autre forme dans le livre. Regardez donc la deuxième image ci-dessous. C'est du dessin qui fait plus proche du comique que d'une œuvre noire et sombre, n'est-ce pas ? Et pourtant, je peux vous garantir qu'il parvient sans grande peine à faire rejaillir des émotions via ce dessin très simple et tout gentillet, mignon. Le décalage avec le propos plutôt noir va sacrément jouer, et le retour aux cases sombres et tordues vont rajouter encore à l'effet dramatique des passages. D'autant que des alternances vont se faire avec des passages muets, d'autres simplement imaginés, des passages de rêves, et même des passages presque psychédéliques. Le tout va faire voyager le lecteur entre différentes émotions, soulevant d'autant plus l'horreur du récit lorsqu'on retombe à pieds joints dedans. C'est une façon de mettre en scène artistiquement qui est juste parfaite. Tout va se jouer avec ces alternances, et rythmés avec la voix off qui donne le ton de l'ouvrage.


D'ailleurs, parlons en de la voix off. Car si vous avez zoomés sur la première image que je vous ai mis, vous aurez noté que Larcenet parle dans le récit à la première personne. Il nous narre directement les événements auxquels il a prit part et la façon dont il a ressenti les choses. Mais ce n'est pas tout ! Car avec plusieurs interventions, notamment au début, et ensuite dans les dialogues imaginaires avec sa mère, il nous fait comprendre de façon très simple, que nous ne pouvons pas comprendre. C'est un traumatisme personnel qui le ronge, et il nous le livre simplement sans artifice. Jusqu'au bout, avec un final qui est également le sommet de l'album, vous voyez sans pouvoir rien changer, rien faire. Il n'y a pas d'action noble à entreprendre, de pétition à signer, de manif à faire. C'est déjà passé, tout est trop tard à présent. Par contre, l'ampleur du choc est encore là, et vous pouvez seulement assister à tout ces événements sans rien faire. C'est d'ailleurs assez horrible de suivre le cours de tout sans rien faire que de ressentir. Et d'ailleurs, au final, vous n'en aurez pas beaucoup appris, vous n'aurez pas un beau récit qui fait réfléchir. Enfin, si, en un sens, mais ce n'est pas de la philosophie, c'est juste du ressenti, des émotions. Poignantes, violentes, mais elles sont là, bien ancrées dans le récit et prêt à en jaillir pour vous assaillir. Il vaut mieux être préparé, c'est du brutal, comme aurait dit Bertrant Blier.

Et donc, dans tout cela, vous suivrez Manu Larcenet dans son service militaire, depuis ses débuts lorsque son père le déposa devant la caserne, jusqu'à ce que tout soit fini, qu'il soit rentré. Mais ne vous attendez pas à un exposé de la vie à la caserne. En fait il ne l'expose quasiment pas. Vous aurez seulement quelques bribes avant d'avoir l'épreuve finale, où il était en "situation réelle". C'est le gros du livre, les quelques jours passé à attendre un ennemi qui n'en était pas un pour être ensuite relâché dans le monde civil. Une partie qui fut tout sauf de plaisir. Au sein de ces cases torturées, nous aurons même droit à des dessins de hiéroglyphes incas, des cases d'introspection mise en image et commentée. C'est un effet très particulier, mais je le trouve d'une force incroyable. C'est très dur à expliquer, mais il faut le voir pour le comprendre. Encore une fois, je suis admiratif devant la mise en scène.

Et vous, bande de petits veinards, vous avez en sus la chance de pouvoir acheter la réedition de 2010. Manu Larcenet à enrichie cette nouvelle édition de quelques planches supplémentaires, très simple, avec un personnage à lunette qui a pris Presque dans un bac de sa librairie avant d'être apostrophé par Larcenet qui explique notamment la genèse et ce qu'il pense de son ouvrage actuellement (grosso modo, il en est mécontent dirait-on). Très intéressant à lire pour comprendre mieux l’œuvre. Une façon de voir l'artiste à travers l’œuvre, tout en restant dans son cadre. Je ne sais pas si je me suis fait bien comprendre.

Au final, que penser de Presque de Larcenet ? Il y a plusieurs façons d'aborder ce livre. Tout d'abord, nous pouvons y voir simplement une des premières œuvres d'un grand maitre de la BD actuel (qu'il le veuille ou non d'ailleurs, il a ce rôle). Ensuite, nous pouvons y voir une œuvre graphique époustouflante, très en dehors de ce qu'on trouve habituellement en rayon dans les magasins (surtout si on en fouille pas beaucoup). Enfin, nous y avons également une œuvre forte et poignante, témoignage choc d'une tranche de vie très courte, riche en émotion.
Par contre, nous ne pouvons pas y trouver quelque chose d'instructif, d'humoristique ou même de distrayant. C'est profond, sans être philosophique, plus proche d'une poésie funèbre (ou macabre) que d'une BD passe-temps. C'est quelque chose qu'on lit pour en tirer des émotions, et pas pour rester indifférent. Du coup, il vaut mieux savoir à quoi s'attendre avant d'ouvrir ou d'acheter l’œuvre. C'est fort, ça pique, et du fait ça ne plaira pas à tout le monde. Et ce n'est surement pas la meilleure œuvre pour aborder Larcenet, puisqu'elle peut vous rebuter avant de lire d'autres choses. Même si j'ai personnellement commencé par celle là.

(Chronique n°10)