mardi 29 avril 2014

La sève et le givre (Léa Silhol)

Une lecture que j'ai faite car elle était vanté comme immanquable en fantasy, même s'il est particulièrement frustrant de savoir que la suite, en deux tomes, n'est plus édité et est considéré comme introuvable. Les joies des éditeurs brouillés avec les auteurs, mais passons. Je me suis penché sur ce livre que je ne connaissais absolument pas et dont l'histoire ne me disait rien du tout non plus. En une bonne journée, la lecture fut finie. Et pourtant, je dois bien avouer, ce ne fut pas une lecture facile.


Résumé en trois mots : Prophétie, Amour et Autre monde

C'est la première fois depuis un long moment que j'ai eu autant de mal à lire un livre. En fait, je ne me rappelle plus la dernière fois que ça m'était arrivé (sans doute un livre que je n'ai pas fini). Et bon dieu, que c'est pénible, un livre au style aussi lourd ... Comprenons-nous bien, je ne rejette pas le style, ni le qualifie de mauvais. C'est juste qu'il est lourd. Horriblement lourd. C'est de la chanson de geste du Moyen-Âge transcrite en compréhensible. Mais avec le style, la poésie et les tournures de phrases. Et malheureusement, ça ne m'intéresse pas outre mesure.
Ce qui est bien, c'est que l'ensemble du récit fait typiquement récit médiévale, que ce soit au niveau de l'ambiance, du style, des personnages ou même de la tournure du récit. Mais clairement, ce n'est que pour cette beauté que l'on peut le lire. Autrement, je trouve que le roman pâtit de son style, qui le plombe inutilement et fatigue au bout d'un moment. Ce qui est dommage, car c'est réellement très bien écrit, avec une superbe poésie et une beauté des termes. Mais au bout d'un moment l'ensemble est trop pesant, et me lecture s'en est ressenti. Outre le fait que j'allais très lentement, je n'arrivais plus à m'immerger dans l'histoire.

Le reste est, comme dit, d'excellente facture. L'atmosphère est celle de la fantasy de style médiévale, avec ses codes et ses personnages, la façon dont l'histoire se déroule, comme suivant une trame inéluctable, tout en mêlant paysage réel et irréel, l'autre monde d'un peuple différent (pas vraiment le petit peuple, mais presque pareil), mêlant magie et normalité. Tout y est, et l'ensemble est parfaitement cohérent.

En définitive, je n'ai pas tellement apprécié que ça ma lecture, car si le cadre et l'histoire sont sympathiques, quoique ne sortant pas tant que ça des sentiers battus, je n'ai pas du tout aimé le style qui est vraiment trop lourd pour moi. Une histoire se doit, selon moi -et je partage cet avis, mais vous avez le droit de ne pas être d'accord- d'être clairement lisible. Hors, ici ce n'est pas le cas, et je le déplore vraiment. C'est une bonne idée d'avoir cette façon d'écrire très spéciale, mais je n'ai pas adhéré pour ma part, et ma lecture s'en est clairement ressenti. Dommage.

(Chronique n°174)

dimanche 27 avril 2014

Petit traité sur l'immensité du monde (Sylvain Tesson)

Je n'ai pas la moindre idée de la façon dont je me suis retrouvé avec ce livre dans ma PAL, sans doute ai-je vu quelqu'un qui l'avait lu et qui en avait parlé, et me suis-je dis qu'il fallait que je le lise aussi. L'idée de base me semblait intéressante, et il y avait un moment que je n'avais plus lu d'ouvrages à vertu plus philosophiques, dans la lignée des essais et des traités. Cette fois-ci, cela parlait de voyages à pied, et je suis assez tenté par ce genre de sujet pour me décider à voir ce que d'autres en pensent.


Résumé en trois mots : Voyages, Philosophie et Monde

Le terme Philosophie est ici dans un sens plus personnel, philosophie de vie, que dans le sens large de la philosophie en général, même si tout est lié. Cet ouvrage est vraiment un traité, il expose la vision de l'auteur et sa conception du monde, sans dire qu'il est le seul dans le vrai. D'ailleurs sa philosophie repose sur des principes qui ne sont pas, par natures, applicables à l'ensemble de l'humanité.
Bref, que nous raconte donc en si peu de pages (et en écrivant très gros) Sylvain Tesson ? Eh bien sa philosophie de vie et de voyages, mais pas seulement. L'auteur est un type qui aime voyager, mais à pied, par ses propres moyens, seul ou accompagné, mais jamais par les mêmes personnes, et qui vadrouille au gré du monde sans se soucier de le changer ou de s'y inscrire. Il veut juste le voir, le toucher du doigt. Ce qui, il faut bien l'avouer, laisse rêveur.

J'ai beaucoup aimé la façon de vivre qu'expose Sylvain Tesson dans son livre, avec tout ce que cela comporte comme avantages et comme défauts. Il fait à la fois rêver et réfléchir, sur cette vie qu'empruntent des personnes, qui se décident à ne suivre qu'eux-mêmes et rester en dehors de tout tout le temps. C'est un style qu'il faut apprécier et pouvoir supporter aussi.
Ce que j'ai apprécié en outre, c'est que l'auteur truffe son récit de citations et de références. Si toutes ne me sont pas connues, elles m'ont données envie de lire des livres (à commencer par Thoreau, que j'ai acheté il y a .... Un an ?). C'est un récit qui ouvre sur plusieurs choses.
Mais avant tout, c'est une invitation à la réflexion, à se poser des questions. Pas seulement sur nous, sur les autres, sur nos façons d'être, d'agir, de vivre, de penser. Comment conçoit-on le monde, et comment le voit-on ? Et l'auteur nous invite aussi à comprendre sa façon de voir tout ce qui l'entoure. Une vision rafraichissante et dépaysante.

Je ne cache pas que le livre est vite lu, peut-être trop vite d'ailleurs, et qu'il n'est qu'une introduction à tout ça. L'auteur développe en plusieurs chapitres des anecdotes de ses voyages et des théories philosophiques. Rien n'est vraiment développé, c'est un traité rapide, un petit traité comme dit son titre. Je ne cache pas non plus que la prise de position de l'auteur est radicale, mais on n'est pas obligé de s'y conformer. Chacun reste libre de ses choix, mais il est bon parfois de savoir qu'un autre existe.

J'avoue que j'ai bien aimé ce traité rapide et simple, qui m'éclaire sur une race de personne, et un avis peu conventionnel. C'est assez rare de nos jours une personne vantant l'égoïsme et le voyage seul, l'absence de communication et de diffusion. On voyage pour soi, et c'est tout, sans le diffuser ensuite autour, bien que l'auteur dit prendre des notes. C'est aussi un traité sur le monde, sur une vision du monde, qui tend à lui rendre son immensité perdu par la technologie. Une vision de notre planète qui n'est pas la plus répandue. Un sympathique petit traité, que je conseille.

(Chronique n°173)

vendredi 25 avril 2014

Le père porcher (Terry Pratchett)

Premier livre de la fantastique saga Les annales du Disque-monde que je lis, sur les conseils insistants d'un ami qui me l'a humblement soumis à me lecture, laquelle fut, il faut l'avouer, d'une rapidité assez grande. Et j'ai été très agréablement surpris du ton qui reste à la fois humoristique et en même temps sérieux, dans la grande lignée des bons romans d'humour et de fantasy (je ne sais pas si il y a une lignée, mais la formulation me plait).


Résumé en trois mots : Croyance, Noël et Humour

J'aime, j'affectionne, j'adore, je suis conquis dès qu'un livre sait allier l'humour de bonne facture à des questions plus sérieuses et qui interviennent régulièrement dans le livre. Ici, le propos a été clairement orienté autour de la croyance, bien que tout le livre soit avant tout humoristique, avec la patte de l'auteur que j'ai reconnu (cf De bons présages) et autant apprécié, sinon plus.
Il est vrai, l'humour de Pratchett est un peu spécial mais délicieux, mélange d'absurde, de réflexions tombant à pic et de pince-sans-rire. C'est agréable d'un bout à l'autre que de pouvoir en rire, sans que cela ne faiblisse ou ne disparaisse. Et les situation drôles s'enchainent sans interruption, jusqu'à des apothéoses extraordinaire (notamment la scène du magasin). J'ai souvent souris, et aussi ri tout simplement. C'est agréable, d'autant que les passages drôles ne sont pas visibles de loin.

Après, se greffe par dessus une histoire, et j'avoue qu'elle est tout simplement géniale. L'idée de traiter la fête de Noël en en changeant quelques petits détails (des sangliers plutôt que des rennes, moi je trouve ça plutôt cool !) pour en exploiter toute l'idée de la croyance, c'est juste parfait. Le thème est superbement bien traité, sous plusieurs aspects, et j'aime beaucoup la façon dont la Mort envisage les choses. C'en est presque humoristique, là aussi. Mais je trouve que la réflexion de fond est bien mené, bien amené, et bien conduite également. Et je ne parle pas des incursions d'éléments en opposition complète avec la fantasy mais intercalés si subtilement qu'il n'en parait rien (comme les ordinateurs ..).

Pour une première lecture des Annales du Disque-Monde, j'ai eu mon contentement, et je serais ravi de pouvoir y retourner (lorsque j'aurais fini ma PAL ....). Le sujet est génial, l'humour bien présent et bien trouvé, la réflexion amenée ne m'a pas déplu, il n'y a rien que je déplore. Le style est très bon aussi, on sent la maitrise de l'auteur, et ce fut une lecture rapide et agréable d'un bout à l'autre. Je ne peux que vous conseiller vivement cet ouvrage, que je classe dans ma tête comme livre à acheter pour ma bibliothèque idéale. En attendant la suite, je pense que je vais rester un peu dans la fantasy. Ça ne me déplait pas ... 

(Chronique n°172)

mercredi 23 avril 2014

Sur la route (Jack Kerouac)

Fin de la route, 3/3

Depuis le temps que je chronique sur ce blog, je crois bien que c'est la première fois que j'ai eu autant de mal à finir un livre. Plus de deux semaines en étalant la lecture, c'est un gros point noir avant même de commencer à critiquer l'intérieur. Mais je tenais absolument à le lire, pour cet ensemble d'avis et surtout parce qu'il s'agit tout de même d'un immanquable, que je voulais lire pour savoir de quoi il en retourne exactement. Et bien, il y en aurait à dire.


Résumé en trois mots : Voiture, Voyages et USA

En fait, je crois bien que le principal problème que j'ai trouvé dans ce livre réside dans son scénario. Je dirais presque : son absence. En gros, nous suivons les pérégrinations de deux personnages, le narrateur, appelé Sal, et son acolyte, Dean, personnage qui aurait, dit sympathiquement, "pété un boulon". Un gars dingue, simplement, dynamique et vivant. Et les deux vont sillonner les États-Unis dans un peu tout les sens, avec un peu tout mais surtout des voitures. Et ... Ah oui, il y a aussi les filles de Dean. Et je crois que nous avons fait le tour.

En fait le roman m'a semblé incroyablement long, sans grand intérêt et je l'ai fini en me demandant : Ok, a part présenter un personnage curieux (Dean), quel intérêt ? Pour moi, la réponse serait : aucun. Je n'en ai franchement rien retiré. Je n'ai pas eu l'impression de comprendre la beat generation, je n'ai pas eu de sympathie pour les personnages, je me perdais dans les états et en fin de compte je me sentais un peu perdu dans cette histoire. La plupart des choses ne m'intéressaient pas le moins du monde, tout simplement. Et ce fut assez pénible de poursuivre la route sur autant de pages. Je me demande encore ce que tant de gens y trouvent.

Le résumé est assez simple : déception. La lecture ne m'a pas du tout intéressé, et jusqu'au bout je me suis demandé ce qu'il y avait à comprendre. Je crois que le gros problème, c'est qu'il n'y a rien, vraiment, à comprendre. L'ensemble est creux, c'est peut-être une vie réelle, mais je ne suis pas du tout intéressé. En fait, en terme d'immanquable, de roman culte, je suis complètement sur ma faim. Je ne me rappelle pas d'avoir autant trainé sur une lecture depuis un moment.
De l'ensemble des récits sur la route, c'est le moins bon. Les lectures sont allées en chute d'intérêt, et c'est pour cela que l'ensemble arrive si tard. Je ne vous le conseille pas, même si c'est un livre tellement réputé. La route vaut largement plus le détour. Passez votre chemin à pied par les sentiers plutôt que de vous engager Sur la route

(Chronique n°171)

 

mardi 22 avril 2014

La route (Jack London)

En route, partie 2/3

Encore un Jack London, mais j'ai acheté une bonne partie de ses livres dans cette collection qui les a tous réédité, une aubaine pour moi. En plus on a le droit à des photos de l'auteur sous tous les angles. Mais surtout c'est une excellente excuse pour lire encore cet auteur fabuleux, et découvrir d'autre talents que simplement des nouvelles et des contes de l'Alaska ou des mers du sud. Là, c'est de l'autobiographie, qui va nous faire rencontrer en direct la vie trépidante d'un auteur hors du commun. Et qu'en ressort-il ?


Résumé en trois mots : Trains, vagabondage et Autobiographie

L'auteur nous entraine dans ses premières aventures à travers l'Amérique, alors qu'il est tout jeune homme de 18 ans, déjà formé aux lourds travaux de la marine et des taches ingrates. Et ce jeune homme va partir, vagabonder, "bruler le dur", se former au contact du peuple en vadrouille, essuyant une crise économique, et devenant progressivement l'homme qu'il est.
Le livre est écrit d'une manière complètement déconstruite, c'est plus un aperçu général de ces années de vagabondage plus qu'un récit chronologique, ce qui fait qu'on se promène souvent à gauche, à droite, en avant et en arrière, se promenant dans tout les États-Unis. En fait, London nous explique la vie de vagabondage en plusieurs points, chaque fois en prenant pour exemple sa propre expérience, alors qu'il écrit douze ans plus tard. Du fait, l'auteur livre un récit qui s'excuse parfois envers des personnes qu'il a croisé, ou s'interrogeant sur leur devenir. C'est plus un récit qu'un véritable travail de mémoire. L'auteur nous raconte ses souvenirs et les commentent, nous informant de ce qui s'est passé et parfois de ce qu'il en pense maintenant.

Le ton du livre est réaliste, encore une fois, et sans concession. Jack London ne se glorifie pas et ne se dénigre pas. Il raconte ce qu'il a vécu, en bien ou en mal, sans chercher à se mettre en valeur. Il s'indigne, il se révolte contre certains comportement, mais il ne fait pas plus. C'est ce que j'ai adoré dans ma lecture. Outre la représentation de l'Amérique en crise économique, des vagabonds (dont une autre version se retrouve dans les livres de Steinbeck), mais aussi de l'homme, encore une fois, sociale ou bestiale, bon ou mauvais. Les deux s'affrontent, dans un duel sans vainqueur. London nous dépeint une humanité qui peut être très vite transformée en monstruosité, tout en montrant des beaux côtés.

Une lecture très intéressante, qui se fait à la fois chronique sociale, autobiographie et aperçu historique, riche en informations sur une période et sur une façon d'être, le vagabondage, que choisissent beaucoup de jeunes. Une très belle découverte pour ma part, notamment parce que la lecture éclaire plus sur les convictions de Jack London. En regardant sa vie, on comprend mieux ses choix et ses aspirations. Bref, une lecture encore une fois prenante, et toujours intéressante de cet auteur.

(Chronique n°170)

samedi 19 avril 2014

La route (Cormac Mc Carthy)

En route, partie 1/3

(lu entre la nuit et le matin du 31 janvier)

Comme quoi, ça peut servir une infection urinaire (je ne le recommande à personne). Pour penser à autre chose, j'ai attrapé le premier livre à ma portée et j'ai commencé à le lire. Pour un peu je dirais que je ne l'ai plus lâché, mais c'est faux. Je me suis forcé à le poser quand il était vraiment tôt (du genre vers 5 h ...). Et bien évidemment, je l'ai lu et fini le lendemain dès le réveil. Ça faisait longtemps que je n'avais pas lu un truc comme ça !


Résumé en trois mots : Père, Fils et Route

Je connaissais le film avec Vigo Mortensen, mais j'avoue que le livre me faisait envie, on me le ventait tellement ...  Et puis voila, je me suis laissé avoir, et j'ai commencé "juste pour voir". En résumé, je dois dire simplement : ce livre ne se pose plus une fois commencé. Plus du tout.

L'histoire se lit très facilement par le fait de l'écriture, en phrase très courte, découpée en petits paragraphes faisant rarement plus d'une page, sans dialogues réellement mis en en page, rien que des paragraphes de textes "muets", qu'on ne peut que dévorer sans s'arrêter. Le style est vraiment un des nombreux points forts du livre, mais un atout de poids.

Autre atout, et sans doute le plus important : l'histoire. Parce que ce genre d'histoire, c'est quelque chose ! Il faut l'avoir lu pour comprendre. D'ailleurs, le film suit très fidèlement le livre, mais celui-ci contient tellement de choses que le film ne peut que laisser suggérer .... En fait, il y a tellement de fond que le livre se doit d'être relu pour en extraire encore plus de suc que dans une première lecture. Et puis, quelle puissance dans cette histoire ! On est tellement à fond dedans que le monde semble curieusement coloré quand on ressort de toute cette cendre grise. Et puis, les sensations passent tellement bien qu'on se croit avec eux, affamé et frigorifié. Vraiment, l'histoire transporte tellement bien ... Ce fut une plongée complète, immersion en deux secondes.

Encore un atout ? Le style, l'histoire, le fond ... Les personnages ! Oui, des personnages extraordinaires, des portraits d'humains tout en finesse, des hommes qui survivent, des gens qui se battent et veulent garder la foi dans l'espèce humaine. Des gens qui ont le feu en eux. Et puis, cette histoire de paternité, cette filiation, tout ce qu'on fait l'un pour l'autre. Et puis, une évolution aussi, lente et presque invisible, mais allant d'un état pas simple vers un autre qui se compliquera. Car il faut penser au moment où l'on ne sera plus, et dans un tel monde c'est encore pire. Bref, le ton des personnages sonne juste et réel, ils nous semblent tellement vrai que je croirai volontiers à un récit biographique. Oui, c'est la puissance de ce livre.

Personnellement, je tiens là ma plus grosse claque littéraire de l'année, c'est certain. Aucun livre avant lui ne m'avait laissé aussi impressionné et aussi admiratif. Tout est bon dans ce livre, qui est puissant et entrainant. C'est une lecture qui nous prend au tripes pour ne plus nous lâcher de tout le reste du roman. Elle nous fascine, et les pages se tournent toute seule, tandis qu'on est transporté dans une ambiance, dans un récit extraordinaire. Que pourrais-je ajouter de plus ? Lisez-le ! C'est quelque chose d'incroyable, une lecture indispensable.

(Chronique n°169)

jeudi 17 avril 2014

Preview n°3

La roulotte était rétablie à présent. La vérification avait été faite, tout était encore bon malgré plus d'un an de déplacements constants. Alfred remercia le garagiste et se tourna vers l'âne qui paissait tranquillement dans le champ. Le temps était gris, l'air frais, un parfait moment pour partir à l'aventure.
Alfred prit délicatement le licou de l'animal et le conduisit à la roulotte en tirant fortement. Il l'arnacha à la roulotte, remercia le charmant réparateur d'un geste de la main et avança tranquillement sur le chemin en fredonnant une chanson.
Lorsqu'il arriva sur la route principale, il stoppa l'âne et descendit pour regarder autour de lui. Rien qui n'indiquait une direction précise. C'était juste une belle journée pour circuler. Il s'assied un instant sur l'herbe, tandis que l'âne recommençais à arracher des brins d'herbe, et réfléchit un peu. Il avait encore beaucoup de travail, c'était certain, mais il voulait s'offrir une petite pause, une évasion. Par où aller dans ce cas ?

"Dis voir, mulet, fidèle destrier, aurais-tu une idée d'un endroit où aller pour se reposer entre toutes ces lectures fatigantes et prenantes ? Je n'ai plus trop d'idée. La famille Maulaussène, peut-être ? Ah non, je les ai déjà squatté un long moment dernièrement. Peut-être retourner en Alaska ? Non, pas maintenant, il fait trop froid. Ou alors ... Un autre monde ? Attends, dernièrement on était allé chez Conan, en Nar, dans les horreurs de l'Amérique Lovecraftienne ... Non plus, ça ne me tente pas. En fait, j'aurais envie de faire un peu de tout ça en même temps. Tu aurais une idée ?"

L'âne ne répondit rien et continua à manger tranquillement, s'en fichant du reste du monde. Alfred soupira et tourna son regard vers l'horizon. La route partait vers le lointain et plongeait derrière un pli du terrain. Elle semblait n'attendre que lui. Il la regarda en rêvant .... "Prendre à nouveau la route, mais vers où ? Et si ... Et si .... Juste la route ... Mais attend, j'ai trouvé !"

Alfred se leva, un sourire dessiné sur les lèvres, rentra rapidement dans la roulotte et fouilla un petit instant dans les rayonnages. Il en ressortit le sourire au lèvres.

"Regarde, vaillante monture ! Avec ces trois là, on va faire le tout en même temps ! Bien sur, c'était évident, il fallait juste y penser. Pour repartir, on suit la route, et on reste dessus. Allez, en route, la roulotte repart, et cette fois-ci elle retourne sur les routes. En voiture !"

Grimpant sur le siège, il disposa les trois livres à côté de lui. Oui, c'était clair comme de l'eau de roche maintenant. Pour se changer les idées, il allait faire un brin de route. Et pas n'importe lesquelles. Souriant, il partit sur la route.

mardi 15 avril 2014

L'herbe rouge (Boris Vian)

Boris Vian est un génie que j'adule. Son talent, aussi bien pour la chanson que pour la poésie et la littérature me laisse littéralement pantois, sans parler de sa verve, son humour, sa capacité aux jeux de langages, son érudition et sa culture, ses passions et ses travers. Tout en lui est superbement génial. Or donc, quand je vois dans un stand d'occasions un livre de sa part que je n'ai pas encore lu, je n'hésite pas un seul instant. Et la lecture est d'autant plus rapide que le livre est court.


Résumé en trois mots : Psychologie, Vie et Déjanté

C'est amusant de retrouver dans ce livre les fantaisies déjantées qu'on a déjà lu dans L’arrache-cœur ou L'écume des jours. Mais ici le propos est tout autre que ces deux autres livres satyres d'une société qui n'est plus très bien. Ici, c'est plus des personnes qui ne sont plus très bien.

Quand on lit du Boris Vian, on lit un véritable génie de la littérature, et je pèse mes mots. Il faut savoir que tout est bon dans un livre de Vian. Déjà le style d'écriture, oscillant entre sérieux et déjanté, dans un monde légèrement fantasmagorique. Tout est étrange, et pourtant c'est totalement réel, un monde déformée qui nous fait ressortir la réalité plus crument dans la face. S'associe tout ce qui fait la force d'une grande narration, l'humour, l'ironie, les jeux de mots, tout ce qui rend la lecture encore plus vivante et amusante. Et Boris Vian nous rend tout cela tellement bien huilé qu'on ne se rend pas tout de suite compte de la complexité et du niveau de littérature.

L'histoire est, encore une fois, hautement intéressante. La plongée d'un homme dans ses souvenirs pour les oublier, mais également les rapports hommes-femmes, les rapport d'amitiés, les villes et la vie en général. Tout ce qui semble normal, mais qui est ici déformé par la vision du monde qu'offre Boris Vian. Et curieusement, ce monde déformée semble plus compréhensible que le réel. Les souvenirs, normaux, qui pourraient être ceux de n'importe qui, puisque tout est décrit de façon normale, sont le moyen de se plonger dans ce qui semble être la vraie vie de Boris Vian. Mais aussi celles de bien des autres. Quand on y trouve un écho de sa propre vie, alors le livre prend encore une nouvelle tournure.

Pour dire simplement les choses, ce livre est génial, comme toujours avec Boris Vian, mais il est surtout incroyablement surprenant. Une véritable plongée psychologique dans l'esprit des personnages, tout en suivant des satyres de la société qui s'égrènent au fil des pages. C'est humoristique, c'est intéressant, c'est tout à la fois. Un livre complet, court et dense, riche. QUe demander de plus ? Et c'est Boris Vian ! Un des meilleurs auteurs français ! Lisez-le, tout simplement !

(Chronique n°168)

lundi 14 avril 2014

2061, odyssée trois (Arthur C. Clarke)

Troisième livre de cette quadrilogie, également très court, que je me suis laissé aller à lire pour diminuer cette PAL qui ne me semble jamais vouloir se finir (en même temps je l'alimente trop). Nous retournons donc dans l'espace, dérivant vers les alentours de Jupiter et de son système, mais d'une façon très différente que ce que nous avions auparavant. De l'eau à coulé sous les pont, 51 ans sont passés depuis la dernière fois.


Résumé en trois mots : Jupiter, Espace et Extra-terrestre

Disons le tout de suite, j'ai été largement moins séduit par ce livre que par les autres volumes de la même série. L'histoire de ce volume est largement plus éparpillée et au final ne se centre pas sur grand chose. Je sentais au milieu du livre qu'on aurait le droit à quelque chose de trop rapide, et ce fut le cas. Beaucoup de questions, peu de réponses, peu de nouveautés par rapport au dernier tome ... C'est comme un redémarrage, mais je crois en mon for intérieur qu'il aurait mieux valu que je m'arrête au tome deux. Celui-ci n'apporte rien de plus, fondamentalement, et il ne s'y passe pas grand chose.

Le style de l'auteur est toujours plaisant à lire, et j'ai bien aimé apprendre certaines choses à propos de la comète de Halley, mais le livre en lui-même ne se justifie pas. Il manque quelque chose, comme si tout cela préparait la suite, et c'est l'impression que j'ai eu avec la dernière page. C'est une sorte d'introduction au dernier livre de la série (que j'hésite à lire maintenant). La découverte des premiers tomes s'est dissipée et je trouve dommage qu'on ai pas une histoire qui se centre plus sur quelqu'un ou quelque chose. Là, la dispersion est importante, et les pages peu nombreuses. A mon avis, c'est un coup d'épée dans l'eau pour un volume bien inférieur aux autre de la série.

Lecture pas déplaisante, mais qui m'a déçue, j'en attendais plus de la part d'un tel auteur. Cela n'enlève rien au style et aux connaissances qu'on y trouve, mais je pense que Clarke n'avais pas assez de matière pour sortir un livre complet. C'est plus de l'anecdotique qu'autre chose au sein de la série. Bref, je ne peux que vous conseiller d'éviter ce tome et d'en rester aux deux premiers de la série, bien au-dessus.

(Chronique n°167)

samedi 12 avril 2014

Fendragon (Barbara Hambly)

Encore un livre de fantasy qui m'est arrivé dans les mains par un pur hasard (en l’occurrence il s'agit de la lecture d'une critique sur l'excellent blog de Nevertwhere) et je me suis laissé tenter. Surtout pour pouvoir prêter ensuite le livre à une amie fan de fantasy (j'aime pas quand je n'ai pas de livres à prêter, avec tout ce que je lis je trouve ça dingue). Du coup, le livre est arrivé. Et je me suis laissé tenter à le lire juste après Un remède à la mélancolie. Et du coup, je me suis couché à 3 h du matin au lieu d'aller tôt au lit comme je l'avais prévu initialement. C'est con, mais ça m'a plu.


Résumé en trois mots : Dragon, Magicienne et Couple

La lecture m'a beaucoup surpris, parce que le style est un curieux mélange entre de l'humour et du sérieux. En fait l'histoire est clairement sérieuse, mais rehaussé régulièrement de piques d'humour venues d'un décalage entre la situation et ce qu'on pourrait en attendre.
Déjà, pour commencer, je dois dire que je suis admiratif au coup d'écriture de l'auteur, qui m'a beaucoup plu, restant toujours assez sérieux, mais devenant humoristique sans l'annoncer avec des gros sabots. De plus, l'auteure nous a choisi pour narrateur une femme, dans la trentaine entamée, magicienne avec peu de pouvoirs. Avons que ce n'est pas le plus courant en fantasy.

En fait, je crois bien que la grande force de ce récit c'est toute l'originalité que l'auteure insuffle dans ce conte déjà bien ancien du chevalier allant tuer un dragon. Ici, ce n'est pas seulement le dragon le problème. Mais c'est aussi un autre style que de la fantasy classique.
Déjà, les héros. Ils ont des enfants, sont mariés et installés, lui châtelain d'un village un peu sale, pas vraiment instruit, pas vraiment guerrier, surtout curieux. Elle, magicienne avec peu de pouvoirs, pas belle et consciente de ses limites. Bref, un couple pas très cliché, et j'ai beaucoup aimé. Pas d'adolescent dans une crise de romantisme, pas d'apprentissage long, d'histoire de vengeance ou de famille. Juste un couple qui aurait aimé avoir la paix et qui ne l'a pas.
Et puis, il y a le dragon, qui est arrivé et qu'il faut tuer. Mais l'amusant, c'est que le héros à déjà tué un dragon, plus de dix ans auparavant. D'ailleurs, pas trop comme on pourrait s'y attendre. Mais je vous laisse découvrir au fur et à mesure de la lecture. C'est vraiment excellent.

Bien sur, j'aurais quelques reproches à faire, et cela concerne des points mineurs du récits. Je soulignerai l'incroyable résistance des héros à la fatigue (enfin, de l'héroïne, pas du héros), cliché souvent revu dans un livre de fantasy (deux jours sans dormir, un trajet de deux kilomètres, un combat d'esprit, et vas-y que je ne dors de nouveau pas de la nuit. Mais bien sur ..). Cela dit, tout le monde le fait et ce n'est pas plus choquant qu'autre chose. Ensuite, il y a le méchant, enfin, la méchante, qui m'a paru un peu cliché. Mais il est vrai qu'en si peu de pages, il aurait été difficile de se concentrer en plus sur la psychologie des ennemis.

Par contre, tout le reste est franchement inventif. Les héros en soi, le déroulement des opérations, la psychologie de l'héroïne, les tours du récits, tout est bien mis pour qu'on ne tombe pas dans le cliché. Et je soulignerais aussi le point que j'adore le plus : la longueur. Ce récit est concentré en 360 pages. Seulement ! Alors qu'on aurait sans problème pu étaler ça sur plusieurs centaines de pages en plus -et plusieurs le font d'ailleurs-, mais ici c'est court, net, précis. En 360 pages, bouclé et bien fini. Une excellente chose, car j'ai souvent l'impression qu'en fantasy les auteurs prennent du plaisir à étirer certaines choses. Ici, on a que l'essentiel, et je suis content de ça.
Dernier détail : l'auteur à mis une carte (je viens de le remarquer à l'instant en cherchant la date d'édition), mais je n'en ai pas eu besoin de tout le livre. Vous ne pouvez pas savoir à quel point c'est agréable de ne pas fouiller toutes les cinq pages.

Bref, pour faire court, lisez ce livre. Mon dernier coup de cœur en fantasy, et pourtant ce n'est pas un genre pour lequel je trouve régulièrement mon compte (contrairement à la SF). Et ça fait plaisir, car j'aime beaucoup ce genre. Ici, nous avons beaucoup d'originalité dans bien des domaines, mais l'auteur sait aussi jouer des cartes classiques pour ne pas trop nous déstabiliser. Et le mélange est juste savoureux. Le livre est assez court au final, se lisant rapidement et très bien, mais c'est une lecture que j'ai apprécié. Question originalité et surprise, c'est un très bon cru. La fantasy vous semble trop souvent classique et codifié ? Lisez celui-ci, ça égaillera vos lectures.

(Chronique n°166)

 

jeudi 10 avril 2014

Un remède à la mélancolie (Ray Bradbury)

Je me suis dit : "Tiens, un recueil de nouvelles. Ça fait longtemps. Au moins une semaine." Et puis une nouvelle est passé, une deuxième. Une encore, et à partir de là tout est passé sans que je ne puisse m'arrêter. En moins d'une journée, le recueil entier est fini. Encore une fois, le style d'un auteur excellent permet de nous pondre un chef-d’œuvre, et c'est un véritable plaisir que de pouvoir lire ce genre de chose, ce style si personnel d'un des plus grands auteurs, si ce n'est le plus grand, auteur de nouvelles du vingtième siècle.


Résumé en trois mots : Mélancolie, Mars et Beauté

Le style de Bradbury est immanquablement beau. Un auteur de style, qui sait nous pondre des nouvelles de toutes formes, et surtout avec son fameux fond, à la fois mélancolique et poétique, mélangeant la science-fiction et le passé, les hommes et les femmes. C'est toujours d'une beauté extraordinaire.
Pour faire simple, de ce que j'ai lu pour l'instant de Ray Bradbury, je crois bien que c'est mon recueil de nouvelles préférées. Elles égalent les Chroniques martiennes et dépassent les Les pommes d'or du soleil, dans le fond et la forme. C'est vraiment d'une superbe beauté, je me suis laissé porter par ce style unique qui se ressent dans toute ses œuvres, oscillant entre un passé radieux et un futur incertain, naviguant entre personnages hésitants, pas sur d'eux mêmes et de la vie en général. Ce sont des êtres qui doutent, qui ne savent pas trop à quoi s'en tenir, et qui se découvrent eux-mêmes, et c'est sublime.
Ce qui est amusant, c'est qu'on retrouve des nouvelles qui se déroulent sur Mars tel que l'auteur nous l'a raconté dans son recueil Chroniques martiennes, et j'ai eu un grand plaisir à retourner sur cette planète fantasmée et qui extrapole sur l'humain. Les autres nouvelles futuristes ne sont pas en reste non plus, et je dois dire que Bradbury à le don de nous pondre des futurs peu enviables. Des avertissements foisonnent au fil des pages, et je trouve cela intéressant.
Mais ce que je retiendrais surtout, c'est la beauté de certaines nouvelles, simples et efficaces, qui m'ont ravies jusqu'au plus haut point. Une beauté sans faille, une écriture parfaite, une histoire efficace, tout est combiné. La patte de l'auteur est là, et c'est une patte qu'on reconnait entre milles. Parce qu'elle est belle.

Un superbe recueil, sans doute le meilleur de l'auteur, de ce que j'ai pu lire à présent, et je vous en recommande chaudement la lecture. La moitié au moins des nouvelles sont fantastiques, l'autre moitié géniales. C'est toujours aussi beau que dans les autres ouvrages de Bradbury, et il y a une force derrière qui ne peut que vous scotcher au pages jusqu'à finir complètement la lecture. J'ai été complètement séduit, Bradbury reste un des plus fantastiques auteur de nouvelles que j'ai jamais lu, et je vous invite à le lire, ne serait-ce qu'une fois dans votre vie.

(Chronique n°165)

mardi 8 avril 2014

Radieuse Aurore (Jack London)

Curieusement, j'ai l'impression que les livres de Jack London peuvent fonctionner par doublon, deux facettes exploitant le même sujet. C'est notamment le cas de Croc Blanc et L'appel de la forêt, qui sont intéressant à mettre en rapport, et au cours de ma lecture de ce livre je me suis dit qu'il s'agissait de l'autre facette du livre Martin Eden, avec une construction miroir pour exploiter le thème autrement. C'est curieux comme sentiment, mais je vais tenter de l'expliquer.


Résumé en trois mots : Argent, Amour et Homme

Jack London nous développe ici une sorte de frère jumeau de Martin Eden, en le faisant vivre une histoire presque inverse. Ici tout commence par l'acquisition de richesse dans le grand nord. Puis le jeu de la finance à San Francisco. Et enfin, la découverte de l'amour. Le portrait du personnage principal est quasiment celui de Martien Eden, grand, costaud, enjoué et dynamique, mais pour autant Radieuse Aurore (car c'est son nom) n'est pas du tout attiré par la littérature, et il se préoccupe uniquement du jeu. Puis de l'amour.
La construction de l'histoire est un miroir de Martin Eden, mais tout le propos du livre est tout l'inverse. Ici, Radieuse Aurore va connaitre la rédemption et s'assagir. Et il y aurait tant de choses à dire.

Cela dit, j'ai trouvé le livre un poil en dessous de Martin Eden, qui m'avait bien plus plu par la critique envolée d'un monde littéraire. Ici la dénonciation des magnats de l'argent et des magouilles capitalistes, malheureusement, c'est un sujet connu. Du coup, il m'a semblé que c'était un peu moins original.
Cela dit, tout reste excellent. Le style, parfait dans la première partie du grand nord, avec toujours cette nature sauvage et ces hommes âpres, puis la deuxième partie, dans le San Francisco de Jack London, dans sa ville, et ses capitalistes, les magouilles de la finance et les déboires d'un jeune riche. Mais aussi dans les collines qui l'entourent, dans la beauté des paysages environnants, dans le contact de la nature belle et apaisante. Et sur tout ça se lève une Radieuse Aurore.

Excellent livre, encore une fois, d'un auteur qui n'est largement plus à prouver. Un grand nom et une belle plume pour ce récit encore une fois réussi. Jack London nous prouve sans cesse la réussite de ses écrits, leurs forces morales et sociales. Les dénonciations ne manquent pas, mais tout le reste est aussi présent, à la fois différent et identique à ce qu'on trouve dans d'autres livres. Un style d'écriture dont je ne peux plus me passer et qui est diablement intéressant. A lire, comme un bon écrit de Jack London.

(Chronique n°164)

dimanche 6 avril 2014

Vendredi soir (Emmanuèle Berheim)

Un livre très court, très petit, simple et direct. Je suis tombé dessus encore une fois par hasard, en lisant des critiques plutôt enthousiastes et positives sur divers autres blog de la toile. Alors je me suis laissé tenté, j'ai lu. Et en fait, je l'ai lu en même pas une heure. Très court, je vous l'ai bien dit.


Résumé en trois mots : Soir, Passion et Doutes

Bon, il faut l'avouer, ça fleure bon le romantisme, et si ça le frôle, ça n'y rentre jamais clairement. Le roman est vite lu, de par le peu de pages, mais aussi le style, tout en phrase courtes, et la mise en page. C'est très léger, très aérien, et ça rentre en droite ligne du ton du récit.

C'est une histoire simple aussi, mais assez rafraichissante. C'est tout dans la tête, le doute et les appréhensions juste avant le grand changement, la magie d'un moment unique, l'inconnu, l'attirance simple, se laisser aller à la passion. Et nous aussi, nous nous laissons entrainer au fil d'une soirée simple et peu ordinaire, mais une belle soirée, qui se laisse couler au fil des pages.

Ce roman, avouons-le, ce n'est pas le roman du siècle. Pas même de la décennie. Mais c'est un excellent roman, simple et efficace, qui offre une superbe parenthèse dans d'autres lectures, et c'est exactement ce qu'il m'a donné. Une parenthèse simple et efficace, qui m'a détendu et m'a fait cheminer en charmante compagnie durant cent pages.

Simple, efficace, rapidement lu, ce roman n'est pas le genre à marquer durablement, mais à se lire agréablement, tranquillement, dans un moment de pause entre deux autres lectures. Recommandé, parce que ça fait du bien des lectures aussi fluide de temps en temps. Prenez le temps, un soir, de lire Vendredi soir.

(Chronique n°163)

vendredi 4 avril 2014

Le peuple d'en bas (Jack London)

Encore un Jack London, certes (et j'en ai encore en réserve), mais qui va explorer une autre facette du personnage. En effet, je vous parlerais cette fois-ci de l'auteur socialement engagé et qui nous a pondu un petit chef-d’œuvre de sociologie et d'Histoire (eh ou, à présent cette aspect là de la vie appartiens à l'histoire ... Tant mieux pour eux d'ailleurs). Je précise d'ailleurs au passage que ce livre est aussi appelé, selon le traducteur, Le peuple de l'abime. Dans les deux cas, le sujet est le même, et ce n'est pas beau à lire.


Résumé en trois mots : Pauvreté, Social et Londres

Livre engagé socialement, mais surtout chronique de la vie de pauvres gens, cet ouvrage de London est résolument ancré dans sa vie d'observateur du monde. Ici, les bas-fonds d'un Londres en pleine période "dorée", dans une Angleterre maitresse d'un empire énorme, au innombrables richesses et à l'activité industrielle florissante quoique ayant connu déjà un choc économique. Et dans cette Angleterre là, sortant juste de l'époque victorienne pour rentrer dans celle edouardienne, Jack London va se travestir pour explorer par lui-même ce qu'il appelle "L'Abime", l'endroit où échouent les pauvres, les déshérités, les indigents de la société anglaise. Et c'est glaçant.
A la fois portrait de la vie londonienne pour ces pauvres gens, constatations sur la misère (ce qu'il dit sur la survie au jour le jour de ces gens est valable dans nos pays aujourd'hui aussi), critique d'un système (et d'une société), critique d'un comportement, tout y est. C'est aussi le journal d'une plongée dans ce monde, un monde que London n'arrive pas à concevoir jusqu'au bout. Plus d'une fois il nous explique que cela va trop loin pour lui en montrant ce qu'il a fait au final (comme se laver après avoir du se "laver" dans un centre). C'est une triple lecture, à la fois chronique de l'auteur, chronique sociale et chronique historique. Une superbe densité qui marque.

Tout l'intérêt que l'on peut avoir, outre l'aspect historique, c'est le fameux intérêt de comprendre la pauvreté, ses mécanismes et ses tenants-aboutissants. Et de comparer avec aujourd'hui. Ce qui fait la force de ce livre traitant de la pauvreté, c'est qu'il traite de sujets toujours d'actualité. Je ne vous conseillerai que d'ouvrir les yeux en ville. L'abime n'est pas si loin de nous qu'on le pense.

Un excellent roman, tableau d'une triste réalité du début de XXème siècle, c'est également une peinture saisissante de la pauvreté en général, de ses mécanismes et de ses composants. Chronique d'un auteur s'engageant dans le processus pour essayer d'en parler (journalisme gonzo avant l'heure ...) et nous laissant face à l'horreur de ce qui est vécue. Plus d'une fois j'ai pensé qu'un sadique n'aurait pas put inventer quelque chose comme cela. Et, cerise sur le gâteau, London nous parle au final de socialisme. Et ça, croyez-moi, ça s'entend de loin quand il l'exprime à sa façon. A lire, ne serait-ce que pour être amené à réfléchir sur les situations actuelles.

(Chronique n°162)

Petit extrait pour réfléchir :

"La civilisation a rendu possible toutes les formes du confort matériel, et beaucoup de joies intellectuelles. Mais l'Anglais moyen est exclu de ces joies. S'il doit éternellement en être privé, je dis que la civilisation a failli à sa mission."

"Cela nous amène à poser une troisième et inévitable question : "Si la civilisation a augmenté le pouvoir de production de l'individu moyen, pourquoi n'a-t-elle pas amélioré le sort de l'individu ?" A cette question, une seule réponse est possible : à cause d'une mauvaise gestion."

mercredi 2 avril 2014

Au carrefour des étoiles (Clifford D. Simak)

Je me suis senti attiré par ce livre, le pitch était alléchant, et la couverture mystérieuse laissait présager plein de choses. Sans parler de l'auteur qui m'avait déjà ébloui de son excellent Demain les chiens que je considère comme un excellent livre de science-fiction. Celui-ci me semblait moins connu, mais presque plus intéressant. Alors je me suis laissé avoir. Et j'avais raison : il est même meilleur que son confrère plus connu !

Résumé en trois mots : Extra-terrestre, Humanité et Communication

Ce livre bénéficie d'une excellente écriture, marque de l'auteur, qui nous scotche littéralement dès les premières pages pour ne plus nous décoller jusqu'au bout. C'est bien simple, j'ai du me forcer à le poser pour dormir, sinon j'y serais resté toute la nuit. Une preuve de sa force. Et je en parle pas de la tournure, à la fois mélancolique et résolument optimiste qui traverse le récit. Mais ça, c'est le style de l'auteur, qui me semble décidément être un excellent écrivain. Enfin, il l'avait déjà prouvé, mais là ça se confirme. Vraiment, le style est superbe.

Mais ce n'est rien à côté de l'histoire, dans laquelle l'auteur s'est investi corps et âme. Et ça se ressent, car le livre est diablement beau ! On y trouve une profondeur extraordinaire et une large variété de thèmes, avec leurs lots de questionnements philosophiques qui n'est pas pour me déplaire. Le personnage principal, torturé intérieurement par sa position, exprime énormément d'idée, autour du concept même de l'être humain, de l'amitié et de l'amour, de l'empathie et du sentiment d'appartenance à une race, de la place de l'homme dans l'univers et sur la Terre. Et je ne vous parle là que de quelques thèmes abordés ! Des chapitres entiers sont consacrés juste aux questionnements intérieurs du héros. Sans parler de ce qui se passe autour. D'autres thématiques, comme la guerre et la religion (j'adore le point de vue que développe dessus l'auteur. C'est un concept clair et simple de spiritualité plutôt que de religion, et ça me plait), mais surtout la communication. Assez logiquement, c'est un thème qui revient souvent dans la science-fiction -je pense à L'étoile et le fouet de Frank Herbert- car le contact avec d'autres races impliquerait immédiatement les limites de notre expression. C'est assez bien mis en scène dans cette histoire, pas aussi poussé que dans le Frank Herbert, mais bien mis en scène.

En fait, ce que je trouve assez génial et qui me plait beaucoup, c'est que Clifford D. Simak explore énormément de thèmes sans se contenter de les effleurer, tout en maintenant une histoire cohérente, quoique simple, et qu'il arrive par dessus tout à nous entrainer dans un style presque poétique parfois, dans une science-fiction moins scientifique que fictionnelle. C'est un livre prenant, clairement, mais aussi très philosophique et qui incite à réfléchir. Si les échos de guerre mondiale imminente qui imprègnent le roman sont lointain pour nous, il reste tout le reste (et la guerre n'est jamais loin, rappelons-nous ...). Bref, un excellent livre de science-fiction que je ne peux que conseiller. Lisez-le !

(Chronique n°161)